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Rojo (2018)
de Benjamin Naishtat
publié le mercredi 3 juillet 2019

par Gisèle Breteau Skira
Jeune Cinéma en ligne directe

Sélection officielle du Festival de San Sebastián 2018.
Prix du jury, Prix du meilleur acteur pour Dario Grandinetti.

Sortie le mercredi 3 juillet 2019


Benjamin Naishtat est un jeune réalisateur argentin dont le premier film, Historia del miedo, en 2014, manifestait un style très personnel. Rojo, son troisième, est un polar situé en Argentine, exactement au milieu des années 70, juste avant la dictature du général Videla : y règnent déjà la prévarication, la tension sociale et les persécutions de la part des militaires.

L’histoire relate la vie de Claudio (Dario Grandinetti), un avocat respecté, qui, en son âme et conscience, abandonne un homme (Diego Cremonesi) dans le désert, alors qu’il est mourant. Autour de lui, sa femme Suzanne (Andrea Frigerio) et leur fille Paula (Laura Grandinetti) vivent sans se douter de quoi que ce soit.

Le détective Sinclair (Alfredo Castro) use de finesse psychologique pour parvenir à ébranler la quiétude de l’avocat en introduisant dans son esprit le remords et à briser sa vie en l’accusant de désobéissance à la Patrie et à l’Église.

Il y a, dès le début du film, une lumière tamisée sur les couleurs, jamais éclatantes, atténuées, presque ouatées. Naishtat prend plaisir à filmer des intérieurs surannés et vieillots. Même la chorégraphie qu’interprète Paula sur l’air des Indes Galantes de Rameau dispense un souffle désuet.
Lors des déplacements en voiture - images cadrées en plans larges toujours face au pare-brise, couleurs jaunies des carrosseries, paysages verdis, rues rougies -, une atmosphère fantastique se dégage des scènes, d’où l’on attend un épisode dramatique ou une rupture narrative.

Assez proche du cinéma des années 70 de Terrence Malick, de Ridley Scott ou même de Carlos Saura pour la luminosité et les couleurs, Benjamin Naishtat utilise allègrement le hors-champ, laissant la possibilité au spectateur de prendre en compte le présent de la scène et le transformer en cosa mentale.

On trouvait déjà dans Historia del medio (1) ce même sentiment d’étrangeté, cette paranoïa envahissante, avec les mêmes plans fixes en contre-plongée rehaussant les personnages et les isolant dans l’espace, les obligeant à avancer vers leur destin.
Le film dépeint une société sans scrupules ni conscience, bloquée dans ces années obscures, corrompue par le silence, la complicité et l’appât du gain.

Gisèle Breteau Skira
Jeune Cinéma en ligne directe

1. Historia del miedo (Histoire de la peur, 2014) est son premier long métrage de fiction.


Rojo. Réal, sc : Benjamin Naishtat ; ph : Pedro Sotero ; mont : Andrès Quaranta ; mu : Vincent van Warmerdam. Int : Dario Grandinetti, Laura Grandinetti, Andrea Frigerio, Diego Cremonesi, Alfredo Castro (Argentine-Brésil-France-Allemagne-Pays-Bas, 2018, 109 mn).



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