Les problèmes du syndrome post-guerre sont connus ; chaque grand conflit a créé sa génération d’éclopés mentaux.
Let There Be Light de John Huston en 1945, si impressionnant qu’il ne fut pas distribué, Dear America de Bill Couturié, en 1988, sur les rescapés du Viêt-nam en ont tracé, parmi d’autres, des portraits inoubliables.

Laurent Bécue-Renard avait déjà réalisé en 2003, un film sur les contrecoups psychologiques éprouvés par des femmes bosniaques après le siège de Sarajevo, De guerres lasses.

Cette fois-ci, il suit, plusieurs mois durant, des anciens de l’intervention américaine en Irak, regroupés dans un "lieu de vie" californien, The Pathway Home, spécialisé dans le traitement des anciens combattants touchés par le stress.

Même si le sujet n’a rien de neuf, le tableau, jamais semblable dans le détail, de ces personnalités brisées est évidemment passionnant.
Et l’impression de déjà-connu s’efface vite, devant la qualité du travail du cinéaste et la proximité trouvée avec ses "héros". La sympathie envers ces ex-guerriers assez rudes, tatoués et agressifs, qui sont loin d’avoir tous conscience du rôle que l’armée US leur a fait jouer, n’est pas gagnée.
Et pourtant on est pris peu à peu par la proximité obtenue par le cinéaste : ils sont mariés, ont des enfants avec lesquels ils essaient d’être "normaux", s’efforcent de suivre des psychothérapies adaptées.

Et ils parlent : le récit de quelques épisodes vécus par certains (la description du camion empli de cadavres parmi lesquels l’un d’entre eux s’enfonce, par exemple) est terrifiant.
Le film est long, mais profite justement de cette longueur pour atteindre le cœur du problème.

Toutes sections confondues, le festival proposait cette année plusieurs documentaires remarquables (Eau argentée, Les Règles du jeu) et celui-ci ne dépare pas l’ensemble.

Lucien Logette
Jeune Cinéma n°360, été 2014

Of Men and War. Réal : Laurent Bécue-Renard. Documentaire (France, 2014, 142 mn)