home > Films > Roubaix, une lumière (2019)
Roubaix, une lumière (2019)
de Arnaud Desplechin
publié le mercredi 21 août 2019

par Patrick Saffar
Jeune Cinéma n°395, été 2019

Sélection officielle en compétition au Festival de Cannes 2019

Sortie le mercredi 21 août 2019


 


Première piste : Roubaix, une lumière sera une sorte de documentaire sur la ville natale du cinéaste, prenant pour prétexte un fait divers criminel (le meurtre d’une vieille dame). L’apparition de Philippe Duquesne, qui, au cours d’un bref épisode, porte plainte auprès du commissaire divisionnaire interprété par Roschdy Zem, de même que les divers méfaits auxquels se trouve confrontée la police locale lors d’une nuit de Noël, paraissent confirmer l’hypothèse.


 


 

Seconde piste : Roubaix, une lumière sera l’histoire d’un flic "impliqué dans ce qu’il voit", du type de certains films criminels (Mark Dixon détective, La Corde raide) (1).
Les origines du personnage de Roschdy Zem et de l’acteur lui-même, communes à celles de nombre de ces déclassés dont est peuplée la ville de Roubaix, semblent orienter vers cette hypothèse.


 


 

Or, le film, tout en effleurant ces deux pistes, se recentre bien vite sur une investigation unique, celle de l’assassinat de la voisine, dont seront suspectées deux jeunes filles (Léa Seydoux, Sara Forestier) qui partagent le même modeste logis.

À partir de ce basculement, Desplechin transforme les interrogatoires en autant de confrontations tendues à l’extrême, où le visage des deux filles nous questionne (la chambre de l’acolyte du commissaire laisse percevoir Éthique et Infini de Levinas) (2), nous et l’interrogateur, et où l’horreur du meurtre évoqué (un agenouillement sur le visage de la victime...) déroule en parallèle un long coming out d’humanité et d’amour partagé, jusqu’à ce très beau plan d’une main, affectueusement posée sur une autre sous un substitut de l’oreiller qui a servi à tuer.


 

Lors des scènes de reconstitution, on imagine bien le commissaire en double de Desplechin metteur en scène qui, lui-même légèrement en retrait, observerait et accompagnerait la performance de ses deux remarquables comédiennes.
Comme le personnage de Roschdy Zem (décidément, notre Dana Andrews), amateur de chevaux, il décide de prendre les paris sur ce qui pourrait advenir.

Patrick Saffar
Jeune Cinéma n°395, été 2019

1. Mark Dixon, détective (Where the Sidewalk Ends) de Otto Preminger (1950) ; La Corde raide (Tightrope) de Richard Tuggle (1984), avec Clint Eastwood.

2. Emmanuel Levinas, Éthique et Infini, Paris, Fayard, 1982.


Roubaix, une lumière. Réal, sc : Arnaud Desplechin ; sc : Léa Mysius ; ph : Irina Lubtchansky ; mont : Laurence Briaud ; mu : Grégoire Hetzel. Int : Roschdy Zem, Lea Seydoux, Sara Forestier, Antoine Reinartz (France, 2019, 119 mn).



Revue Jeune Cinéma - Mentions Légales et Contacts