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Fête de famille (2019)
de Cédric Kahn
publié le mercredi 4 septembre 2019

par Gisèle Breteau Skira
Jeune Cinéma en ligne directe

Sortie le mercredi 4 septembre 2019


 


Pour son onzième long métrage, Cédric Kahn filme, et ce n’est pas coutume, des scènes de groupe, explosives.

À l’occasion de l’anniversaire des 70 ans d’Andréa (Catherine Deneuve), toute la famille se réunit chez elle, pour un week-end à la campagne.


 

Ses deux fils, Vincent, interprété par Cédric Kahn, sérieux et raisonnable, Romain (Vincent Macaigne) "l’artiste", légèrement borderline et sa fille Claire, l’aînée (Emmanuelle Bercot), passablement caractérielle, de retour après trois ans d’absence, bien déterminée à récupérer ses billes dans la mise en vente éventuelle de la maison. Toute l’action, ou presque, se passe à table, lors des repas.


 

On ne peut s’empêcher de penser au terrifiant Festen de Thomas Vinterberg, chef-d’œuvre du genre, mais qui n’interdit pas de se confronter cinématographiquement à une situation similaire.

Cédric Kahn cible l’argent comme moteur du conflit familial. Par le biais de digressions et de subterfuges, les personnages sont mis face à leur condition sociale et leur différence pécuniaire.
Romain l’artiste" filme dans le film" des plans foireux pour un hypothétique essai expérimental. Vincent se montre très médiocre et peu généreux face à Romain qui emprunte sa voiture et lui emboutit l’aile avant. Sa petite amie effarée tente de reprendre le train pour Paris. La fille de Claire veut s’enfuir avec son amoureux. Claire réclame la vente de la maison.


 


 

Quant à Andréa, elle ne capte pas grand-chose de la situation, sinon que sa fête d’anniversaire est gâchée par les turbulences et les cris. Maternelle avec sa fille qu’elle n’a jamais bien comprise, elle se trouve aujourd’hui dépassée par ce happening et incapable de discerner ses désirs, sinon qu’elle est toujours dans l’excès et l’irraisonnable.


 


 

Les enfants ponctuent, avec délicatesse et talent, l’atmosphère sombre qu’ils dissipent par une représentation théâtrale ou un morceau de musique. De la même façon, les chansons de Mouloudji, de Françoise Hardy et un rap illustrent l’état d’esprit des protagonistes et les distraient pour un moment de la pesanteur ambiante.


 


 

Cédric Kahn tourne en plans-séquences, les personnages bougent devant la caméra qui reste fixe, le groupe filial et fraternel ne cesse de se déplacer, élevant la voix et criant pour se faire entendre. Les scènes sont parfois redoutables, insupportables.

Le jeu de Emmanuelle Bercot dépasse ses numéros habituels en excentricité et démonstrations hystériques. Ainsi Claire provoque l’étincelle, jusqu’à ne plus voir ce qui se passe devant elle, et n’en garder qu’une soudaine vision floue, un retrait du monde. Est-elle celle qui trahit et ment, ou au contraire celle qui voit et révèle une vérité ?


 

La fin du film est une énigme. Tout cela serait une mise en scène, totalement fictive, genre performances artistiques corporelles que Claire fabrique pour le film de Romain… L’art comme l’art du cinéma et ses expressions contemporaines rejoignent-elles une forme de folie ? Pirouette ou simple effet de style ?


 

L’apparition finale de ces gestes artistiques bouscule et chahute l’objectif premier de Fête de famille. De plus, en les disqualifiant et les associant d’emblée à des manifestations démentielles, c’est l’art qui entre en jeu, le cinéma aussi a fortiori. Le faux-semblant et le vrai, le vécu et l’imaginaire, l’art et la vie jouent au ping-pong, dans une sorte de va-et-vient machiavélique et pervers d’où personne ne sortira indemne.

Gisèle Breteau Skira
Jeune Cinéma en ligne directe


Fête de famille. Réal, sc : Cédric Kahn ; sc : Fanny Burdino, Samuel Doux ; ph : Yves Cape ; mont : Yann Dedet. Int : Catherine Deneuve, Emmanuelle Bercot, Vincent Macaigne, Cédric Kahn, Luana Bajrami, Laetitia Colombani (France, 2019, 1901 mn).



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