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Mojica Marins, José (né en 1936)
Une œuvre
publié le samedi 25 octobre 2014

par Lucien Logette

Jeune Cinéma en ligne directe (25 octobre 2014)


 


À force de ne trouver, après minuit, sur les chaînes Polar, Action et FX, spécialisées dans le second rayon, que des films de Jean Rollin - même si l’on goûte très fort ses variations sur les femmes-vampires, voir pour la huitième fois La Morte vivante ou Les Raisins de la mort finit par lasser -, on avait un peu perdu l’habitude d’aller butiner dans les confins des chaînes cinéma.

Erreur, puisque l’on peut tomber, comme cette dernière nuit, sur un film de José Mojica Marins.

Les études sur ce cinéaste brésilien ne sont pas très nombreuses. Il faut vérifier du côté de la revue Mad Movies ou des catalogues de L’Étrange Festival.
Mais il y a Internet : les sites classiques Wikipedia Free Encyclopedia et IMDB (1).
Et puis du concret (2).

Pourtant, même à partir du peu que l’on connaît, deux titres sur la trentaine tournés par ce cinglé de la grande espèce (3), il y a de quoi faire, car le spectacle est rare.

Mojica Marins (né en 1936) a créé, au début des années 60, un personnage, qu’il interprète avec une emphase digne d’un acteur des tournées Baret du siècle dernier, roulant des yeux et vitupérant contre l’humanité tout entière : Zé do Caixão.

Il s’est ensuite si bien glissé à l’intérieur de son personnage qu’il ne semble plus y avoir d’espace entre lui et sa créature.
Tel Bela Lugosi-Dracula à plein temps, José Mojica Marins est devenu Zé do Caixão, fossoyeur nécrophile avec cape et haut-de-forme, et des ongles de dix centimètres qui lui permettent de crever les yeux des importuns.

Son ambition : représenter le Mal absolu. Avec une préférence marquée pour les (forcément innocentes) victimes femelles.


 

Dans Cette nuit je m’incarnerai dans ton cadavre (1967, vu l’an dernier sur FX), il était bien près d’y parvenir.

Dans L’Incarnation du démon (2008, toujours sur FX), malgré les quarante et un ans écoulés, il s’obstine, visant cette fois-ci à se prolonger en engendrant un fils aussi parfait que lui.

L’argument est nul, le scénario n’est qu’une succession de scènes plus épouvantables les unes que les autres, entre égorgements, énucléations, dépeçages divers, chairs perforées, bains de sang et supplices inédits, le tout réalisé en couleurs, mais avec autant de moyens que Ed Wood, pour fixer le niveau.

En même temps, il souffle dans le film un tel vent de folie que l’on attend avec intérêt quelle sera la prochaine torture inventée : entre les crocs de boucher enfilés dans la chair, le seau de cafards où l’on trempe la tête, les chairs soigneusement cousues comme chez Sade, le tronc encore vivant d’où s’échappent des portées de mygales, et les rats utilisés comme dans le jardin des supplices de Mirbeau, la fête est belle pour les raffinés.

Zé a pris des rides et des kilos, mais il vocifère avec autant de puissance et étreint les jeunes filles avec autant de voracité.

What a devil !

Le retour chez Jean Rollin va nous sembler bien fade.

Lucien Logette
Jeune Cinéma en ligne directe (25 octobre 2014)

1. Il faut mixer les filmographies de IMDB et Wikipedia The Free Encyclopedia, qui sont incomplètes.

2. On peut en avoir un petit avant-goût sur le site de Arte-TV, "Dans les griffes de José Mojica Marins", qui date de 2006.

Bien sûr, en ces temps miraculeux, certaines pièces sont intégralement visibles sur Internet. Par exemple :

* Meu destino em tuas mãos (My Destiny in Your Hands) (1963)

* Pesadelo macabro (Macabre Nightmare), sketch de la Trilogia de terror (1968), après O Accordo de Ozualdo Candeias et Procissão dos mortos de Luis Sérgio Person.

* A Estranha Hospedaria dos Prazeres (The Strange Hostel of Naked Pleasure) (1976)

* Perversão (Perversion) (1979)

* Enfin, pour s’approcher un peu du mystère, on peut voir le documentaire de André Barcinski et Ivan Finotti : Maldito : o estranho mundo de José Mojica Marins (Damned : The Strange World of José Mojica Marins), (2001).

3. José Mojica Marins a été excommunié par l’Église, et naturellement censuré sous la dictature militaire.

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