par Jean-Max Méjean
Jeune Cinéma n°396-397, octobre 2019
Sélection officielle de la Mostra de Venise 2019.
Coupe Volpi de la meilleure interprétation masculine pour Luca Marinelli
Sortie le mercredi 16 octobre 2019
On aurait souhaité pour ce film mieux qu’un prix d’interprétation masculine au Festival de Venise, même si Luca Marinelli, qui interprète le rôle-titre, le mérite largement.
S’il a fait don symboliquement de cette récompense aux migrants morts en mer, c’est sans doute parce que Martin Eden, d’après le célèbre roman de Jack London paru en 1909, est une ode à la mer, à la liberté et aux combats menés par les peuples pour obtenir leurs droits.
Martin Eden, marin, veut devenir écrivain afin de mériter l’amour d’une une jeune fille de la bonne société, Révolté et pur, "ses ailes de géant l’empêchent de marcher" pour reprendre Baudelaire, dont Les Fleurs du mal figurent dans la bibliothèque de son amoureuse.
Pendant plus de deux heures, dans une Naples rêvée et imaginaire, avec ses ruelles et ses ouvertures vers la profondeur des eaux, Pietro Marcello nous embarque dans l’histoire de ce dernier héros romantique d’un monde au bord de l’agonie, annonciateur du nôtre. Le cinéaste joue sans cesse sur les modes, d’époques différentes, des décors et des costumes, comme pour nous plonger dans une confusion qui réveillerait notre conscience politique endormie, et montrer que la lutte concerne tous les temps et tous les lieux.
Le film se partage en deux parties. D’abord, le jeune Martin Eden dans sa pureté, à la recherche de la reconnaissance en tant qu’homme de lettres. Puis l’auteur reconnu, devenu riche, qui va tout donner aux combattants du peuple, dans un geste plus anarchiste que socialiste.
En adaptant le magnifique (et difficilement adaptable) roman de Jack London, qualifié d’œuvre de formation, Pietro Marcello et son coscénariste Maurizio Braucci, ont voulu lui donner une nouvelle interprétation, juste et profonde, qui en montre l’universalité et la pérennité.
La décision de Luca Marinelli d’offrir son prix aux migrants noyés n’est pas une posture hypocrite, mais l’aboutissement des combats que le film raconte.
Pietro Marcello s’adresse à notre cœur, mais aussi à notre conscience, en ces temps épouvantables.
Pier Paolo Pasolini n’aurait certainement pas désavoué ce Martin Eden.
Jean-Max Méjean
Jeune Cinéma n°396-397, octobre 2019
Martin Eden. Réal, sc : Pietro Marcello ; sc : Maurizio Braucci, d’après Jack London ; ph : Alessandro Abate, Francesco Di Giacomo ; mont : Fabrizio Federico, Aline Hervé ; mu : Marco Messsina, Sacha Ricci. Int : Luca Marinelli, Jessica Cressy, Vincenzo Nemolato, Marco Leonardi (France-Italie-Allemagne, 2019, 129 mn).