par Jean-Max Méjean
Jeune Cinéma en ligne directe
Sortie mercredi 5 novembre 2014
Il fallait un certain culot pour réaliser un documentaire de plus de deux heures sur la viande et espérer tenir le public captif pendant tout ce temps. Et pourtant, c’est réussi et le spectateur n’est pas près d’oublier cette enquête planétaire.
Steak (R)evolution n’est pas un film sur la malbouffe (comme jadis Super Size Me, de Morgan Spurlock, histoire d’un homme nourri au McDo pendant des mois) ;
C’est la recherche sans complexe de la meilleure viande possible. Accompagné de son boucher parisien préféré, Yves-Marie Le Bourdonnec, Franck Ribière traverse le monde, du Japon aux USA, via l’Amérique latine et la Suède, à la recherche de la meilleure viande produite.
Les végétariens auront du mal à suivre les propos du réalisateur, fils de producteur de viandes, et du boucher débonnaire, même si le film ne montre que rarement des carcasses suspendues dans des frigos immenses.
Certains passages, notamment à Kobé, laisseraient penser que les vaches sont chouchoutées comme des mascottes.
Mais curieusement, cette quête n’incite pas à la consommation.
Rien d’une ode au hamburger.
C’est presque une œuvre d’art qui se contente de montrer des pépites, notamment dans une boucherie japonaise où la viande, persillée comme jamais, se découpe parcimonieusement comme on ferait d’un mets rare.
Le film, en effet, nous apprend le bel art culinaire et le goût des bonnes choses dans un monde où, nolens volens, celui-ci est de plus en plus malmené.
Certes, Franck Ribière et Yves-Marie Le Bourdonnec, ignorant les différences sociales, s’adressent à une aristocratie gastronome, celle qui n’hésite pas à payer pour se nourrir bien.
Sans commentaire, ni voix-off, calmement et de manière très déterminée, le film nous fait découvrir des choses que nous ignorions encore sur l’élevage comme un pendant cruel au merveilleux Bovines de Emmanuel Gras, prix singulier 2013 du Syndicat de la Critique.
Bovines montrait les vaches dans les prés comme des stars, belles et inatteignables.
Steak (R)evolution les filme aussi dans leurs prés, mais ensuite débitées en morceaux savoureux, plus ou moins persillés, plus ou moins rouges, comme si elles se mettaient dans de tels états uniquement pour notre plaisir raffiné.
Pas de pathos, pas de discours moralisateur non plus sur l’écologie ou la protection des animaux. Il est normal que l’homme se nourrisse de protéines animales, semble dire le film, et pourquoi ne pas choisir le nec plus ultra, manger n’étant pas seulement un besoin, mais surtout un plaisir ?
On pourrait reprocher au film son côté people, son engouement pour l’aspect carnivore de notre monde occidental, entre New York et Kyoto.
Il n’empêche que nous demeurons fascinés par cette enquête sur ce monde inconnu.
La chef Sabine Simon, sur son blog, trouve les mots qu’il faut : "Les thèmes abordés autour de cette viande de bœuf peuvent largement être transposés à l’ensemble de la filière alimentation.
Au-delà de cette quête du meilleur steak, des questions se posent telles que : Comment produire mieux, retrouver des aliments qui ont du goût sans détruire notre terre nourricière, changer notre façon de consommer, ce n’est pas nouveau mais c’est incontournable !"
Jean-Max Méjean
Jeune Cinéma en ligne directe (5 novembre 2014)
Steak (R)évolution. réal ; Franck Ribière ; mont : Vérane Frédiani. Int : Franck Ribière et Yves-Marie Le Bourdonnec. Documentaire (France, 2014, 130 mn)