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Tommaso (2019)
de Abel Ferrara
publié le mercredi 8 janvier 2020

par Nicole Gabriel
Jeune Cinéma n°395, été 2019

Sélection officielle Hors compéttion au Festival de Cannes 2019

Sortie le mercredi 8 janvier 2020


 


Deux ans après Alive in France, Abel Ferrara revient présenter un long métrage que nous pourrions qualifier d’autofictionnel - ou d’autodocumentaire, comme on voudra. Dans Tommaso, l’auteur de Bad Lieutenant slalome entre poésie et vérité, confiant le rôle de son alter ego à son acteur fétiche Willem Dafoe, remarquable comme à l’accoutumée.


 

Pour le reste, il filme dans son appartement romain où il est revenu (car il s’agit bien d’un film de revenant), avec sa compagne, Cristina Chiriac. N’oublions pas Anna, la fille du couple, déjà charmeuse et polyglotte, âgée de 3 ans. La rédemption d’un alcoolique invétéré est-elle artistiquement défendable ? L’exaltation, se demandera-t-on, à l’instar du chroniqueur de Libération, est-elle soluble dans la San Pellegrino ?


 

Durant la première heure, on reste interloqué devant des tableaux d’un bonheur conjugal qui n’ont rien à envier à l’univers des bisounours, du Carosello de la RAI d’antan, voire de la presse people. Mais c’est sous-estimer ce diable d’homme ! Quand le doute s’installe, que la différence d’âge se fait sentir et que l’union se fissure face aux coups de boutoir des matriochkas (belle-mère, compagne et enfant liguées), Ferrara retrouve sa combativité et des accents proustiens.


 

Cristina esquive ou affronte son jaloux avec la détermination du taureau dans l’arène. La passion, telle l’addiction, implique le Wiederholungszwang, la compulsion de répétition, l’éternelle renaissance du désir.


 

C’est ce que traduit une des plus belles scènes du film : Anna danse sur le balcon, filmée à contre-jour, reprenant son souffle pour vérifier, sur un écran allumé, qu’elle imite bien les déhanchements de la toute jeune Sofia Loren. Sans exhibitionnisme, avec une lucidité un rien cruelle, Abel Ferrara lève le voile sur sa vie privée, pointant comme jadis Bergman les petites usures de la quotidienneté et les grands tourments que suscite l’éternel féminin.


 

Aveu d’un vieux séducteur, le film vit de la tension vertigineuse entre Eros et Thanatos. Si c’était une sculpture, ce serait, dans la villa Borghese, celle d’Apollon poursuivant inlassablement Daphné, reine des métamorphoses.

Nicole Gabriel
Jeune Cinéma n°395, été 2019


Tommaso. Réal, sc : Abel Ferrara ; ph : Peter Zeitlinger ; mont : Fabio Nunziata ; mu : Joe Delia. Int : Willem Dafoe, Cristina Chiriac, Anna Ferrara, Kim Rossi Stuart, Jasmine Trinca (Italie-Grande-Bretagne-USA, 2019, 115 mn).



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