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Opportunistes (les) (2013)
de Paolo Virzi
publié le mardi 18 novembre 2014

par Lucien Logette
Jeune Cinéma en ligne directe

Sortie mercredi 19 novembre 2014

Paolo Virzi est un réalisateur chanceux, comparé à ses collègues italiens : il est un des seuls dont chaque nouveau film est présenté sur les écrans français, alors que d’autres, tels Carlo Mazzacurati, Edoardo Winspeare, Silvio Soldini, et même Mario Martone n’y ont pas droit - sans parler de Carlo Verdone, vingt-cinq films au compteur et aucun sorti chez nous.

Aux Opportunistes, titre français, on préfèrera l’original, Il capitale umano, qui décrit plus largement, même par antiphrase, le paysage choisi.
Par antiphrase, car jamais l’homme n’est ici pris en compte, sinon bien peu - seuls importent les rapports marchands.
Et ce "capital humain" nous renvoie irrésistiblement à la brochure de Staline, L’Homme, ce capital le plus précieux, affirmation d’un cynisme grandiose puisqu’on sait qu’elle fut écrite en pleine période concentrationnaire.

La mondialisation est aujourd’hui la version soft du totalitarisme, et ce "capitale umano" est manifestement un clin d’œil de Virzi et de ses excellents scénaristes (Francesco Bruni et Francesco Piccolo), dans un film où l’on ne parle que d’argent et de profit.

On n’apprendra rien que l’on ne sache déjà : le monde de la finance, ou plutôt de la magouille (mais n’est-ce pas la même chose ?), est depuis quelques années un territoire dénoncé par les films, hollywoodiens autant qu’européens.
Dénonciation qui n’apporte pas de solution, qui s’efface à peine montrée, et qui ne changera pas la face du monde, pas plus que les films anti-mafia - seraient-ils des milliers - n’empêcheront celle-ci de prospérer. Mais qui peut au moins calmer notre bile le temps d’une projection.

Ici, deux familles : celle d’un grand requin berlusconien (Fabrizio Gifuni) qui jongle avec les sociétés-écrans et les junk-fund, et celle d’un agent immobilier, boursicoteur minable (Fabrizio Bentivoglio) qui rêve de monter des coups pour jouer avec les grands. Cela se terminera mal, puisque nous sommes dans la fiction, et qu’il faut bien que les méchants soient punis - mais on sait que dans la vraie vie, chacun s’en serait sorti.

Si l’on évoquait plus haut les scénaristes, c’est parce que tous les trois (Virzi y a participé) ont bâti une construction remarquable, cousue main.
L’astuce du même événement vu sous un autre angle, avec les modifications induites, n’est pas neuve, mais lorsqu’elle est aussi bien calibrée, elle demeure efficace, chaque narration s’augmentant de quelques détails supplémentaires qui permettent à l’action d’avancer.
La force du film vient de ce que les personnages ne sont pas des marionnettes, tirées par quelques ficelles, mais de véritables personnes, avec leurs saloperies et leurs faiblesses. Ainsi Valeria Bruni Tedeschi (jamais meilleure que lorsqu’elle ne se dirige pas elle-même), en femme de financier perdue dans ses rêves d’ex-théâtreuse, ainsi Valeria Golino, en épouse naïve, ainsi Luigi Lo Cascio en universitaire à la poursuite de son rêve d’étudiant.

Un trait commun avec Nos enfants, le film d’Ivano De Matteo, qui sortira en décembre : les adolescents gâtés-pourris, totalement dépourvus d’autres motivations que la satisfaction tous azimuts immédiate. Coïncidence ou phénomène profond ? Attendons la suite.

Le film a trusté les David di Donatello (les César italiens) : meilleur film, scénario, actrice (VBT), acteur et actrice dans un second rôle (FG et VG), monteur, ingénieur du son. Et une candidature aux Oscars. Rien de scandaleux là-dedans. Il le mérite.

Lucien Logette
Jeune Cinéma en ligne directe (19 novembre 2014)

Il capitale umano. (Les Opportunistes) Réal : Paolo Virzi ; sc : P.V., Francesco Bruni, Francesco Piccolo ; ph : Jérôme Alméras ; mu : Carlo Virzi ; mont : Cecilia Zanuso. Int : Fabrizio Gifuni, Valeria Bruni Tedeschi, Fanrizio Bentivoglio, Valeria Golino, Luigi Lo Cascio (France-Italie, 2013, 116 mn).

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