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Nichols, Mike (1931-2014)
Une vie, une œuvre
publié le vendredi 21 novembre 2014

par Lucien Logette
Jeune Cinéma en ligne directe

Mike Nichols : un Oscar, un "Life Achievement Award" de la part de l’American Film Institute, une kyrielle de succès public aux USA, des stars hollywoodiennes toujours prêtes à jouer dans ses films. Une carrière, d’une vingtaine de titres, réussie, donc.

En revanche, en France, une méfiance persistante, sinon un refus de la critique devant son œuvre. Jamais personne ne s’est avisé d’en faire un "auteur", chaque nouveau film étant considéré comme pire que le précédent.

Même Jeune Cinéma n’est pas exempt de parti pris, puisque la revue n’a fait aucun écho aux dix titres qui séparent La Bonne Fortune (JC n° 95, mai 1976) de Primary Colors (JC n° 249, mai 1998).
Vingt-deux ans, pendant lesquelles nous aurions pu parler au moins du Mystère Silkwood (1983) et de Working Girl (1988), chacun tout à fait réussi.

Mais Mike Nichols avait démarré trop fort.

Qui a peur de Virginia Woolf ? (1966) et Le Lauréat (1967) furent deux succès mondiaux - d’ailleurs pas très bien reçus par la critique française, si l’on se réfère aux articles d’époque -, qui ont fait juger le reste à l’aune de ces "films-culte", même si le terme n’était pas encore inventé.

Certes, Virginia Woolf était du théâtre filmé.
Quand bien même ?
Une vision récente nous a prouvé combien le film tenait la distance. L’affrontement demeure captivant, et les numéros respectifs de Taylor et Burton sont désormais des instants historiques.

Si la thématique datée du Lauréat a pris un coup de vieux, la rencontre Anne Bancroft-Dustin Hoffman conserve son charme, malgré le robinet d’eau tiède signé Simon & Garfunkel.

Il conviendrait de revoir Catch-22 (1970), qui était tombé à plat lors de sa sortie : personne n’avait lu Joseph Heller, et M.A.S.H. venait d’épuiser le filon de la satire guerrière. La tentative était pourtant audacieuse, d’oser adapter un roman inadaptable.

Et Ce plaisir qu’on dit charnel (1971) fut regardé pour de piètres raisons : le film avait été traîné en justice aux USA à cause de ses "dialogues obscènes", d’où la déception devant une simple comédie où l’on parlait avec des mots un peu différents de ceux qui résonnaient habituellement dans les films américains de 1971.

Ensuite ?

Nous n’avons pas tout vu, et ce que nous avons vu était parfois nul (Le Jour du dauphin, 1973), parfois sans grand intérêt (La Brûlure, 1986).
Mais les comédiens faisaient passer le brouet : jamais Nichols n’a manqué d’interprètes, et si une grande partie de ses films vaut encore d’être visionnée, c’est grâce à Jack Nicholson, Meryl Streep, Stockard Channing, Warren Beatty, Annette Benning, Julia Roberts, ou Martin Sheen - et même Melanie Griffith, qui est remarquable dans Working Girl.

Avec l’envers de la médaille, lorsque les acteurs se sentent trop à l’aise.
Nicholson en rajoute dans Wolf (1994), Robin Williams est à peine supportable dans Birdcage (1996).

Mais Andrée Tournès avait relevé l’intérêt de Primary Colors - prière de se reporter à JC n° 249, toujours disponible - dans lequel Nichols parvenait à animer Travolta.

Closer, entre adultes consentants (2004, avec Charlize Théron) et La Guerre selon Charlie Wilson (2007, avec Tom Hanks) ne sont pas du tout négligeables. Et ne justifient pas le peu de considération qui demeure attachée à leur auteur.

C’est, comme souvent, chez Tavernier & Coursodon que l’on trouve la meilleure approche du réalisateur - d’ailleurs la seule dans la critique française.

Les quelques pages de 50 ans de cinéma américain, fouillées et sans œillères, même si elle s’arrêtent à Bons baisers d’Hollywood (1990), décrivent un juste panorama de la première partie de la carrière de Nichols.
On attend la suite.

Lucien Logette
Jeune Cinéma en lige directe (21 novembre 2014)

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