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Aquarela (2018)
de Victor Kossakovsky
publié le mercredi 5 février 2020

par Gisèle Breteau Skira
Jeune Cinéma n°399-400, février 2020

Sortie le mercredi 5 févier 2020


 


Le film débute sur le lac Baïkal gelé, où des dépanneurs tentent de sortir une voiture tombée au fond. L’un d’entre eux, brisant la glace à chacun de ses pas, plonge plusieurs fois, scène drôle qui n’est pourtant pas un gag. Les images qui suivent, d’une beauté exceptionnelle, portent, à l’inverse, une certaine gravité. L’eau, rebelle et puissante, jaillit en tourbillons immenses, les vagues ont la dimension de hautes montagnes, les glaciers, qui fondent, s’effondrent et se fracassent. Ces paysages sont rythmés par la musique du compositeur finlandais Eicca Toppinen, qui crisse comme le frottement des blocs qui se fissurent et se cassent.


 

Pour filmer l’eau, le réalisateur russe Victor Kossakovsky a tourné à 96 images / seconde, vitesse de défilement qu’il a choisie après plusieurs essais afin d’obtenir le ralenti nécessaire, approchant de la vision de l’œil.


 

Par moment, l’eau est si épaisse qu’elle devient presque noire, matière visqueuse et pâteuse comme la peinture sortant d’un tube. Le réalisme des images est terrifiant, que ce soit à bord du voilier en pleine tempête, ou au Groënland, sous un iceberg à 800 mètres de profondeur, ou encore lors de l’ouragan Irma aux Antilles, avec les rescapés sous des abris de fortune, leurs visages figés par la peur.


 


 

Aquarela est un film documentaire sur les désastres du réchauffement climatique et la nature qui perd tout contrôle et s’emballe.
Mais c’est également un film de recherche formelle, à la plastique imposante, que le réalisateur choisit de ne pas commenter pour donner à l’image un rôle pleinement cinématographique, évitant tout aspect de reportage géographique.


 

C’est une expérience sensorielle et poétique, un film expérimental dans la veine de Pluie (Regen), le ciné-poème de Joris Ivens (1928) ou encore du très beau Images d’Ostende de Henri Storck (1929) - à propos duquel Jean Vigo, amusé, lui avait dit "Que d’eau ! que d’eau !"

L’eau de Victor Kossakovsky n’a pas cette douceur, elle exprime une menace de destruction terrible sur le monde, à la mesure du manque d’eau et de la pénurie future pour l’humanité. Aquarela est un film dont la dimension philosophique surgit d’images sidérantes où la nature s’expose dans la démesure.

Gisèle Breteau Skira
Jeune Cinéma n°399-400, février 2020


Aquarela (L’Odyssée de l’eau). Réal, sc, ph, mont : Victor Kossakovsky ; mont : Molly Malene Stensgaard (Grande-Bretagne-Allemagne-USA, 2018, 89 mn). Documentaire.



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