par Gisèle Breteau Skira
Jeune Cinéma n°399-400, février 2020
Sortie le mercredi 12 février 2020
Accusée d’avoir assassinée Flora, sa meilleure amie, deux ans plus tôt, Lise, 18 ans, en attente de son procès, porte un bracelet électronique à la cheville. Dans le premier plan, en contreplongée sur une plage où sa famille passe un moment, deux gendarmes arrivent, Lise (Mélissa Guers) les suit sans réticence.
À partir de ce moment-là, le film entre dans le labyrinthe du mystère, dans le nouveau palais de Justice de Nantes, où se tient le procès durant plusieurs jours. L’architecture austère de Jean Nouvel isole et fabrique pour les personnages une sorte de coquille impénétrable, en accord avec la teneur des paroles prononcées. La personnalité de Lise fascine, au cours de chaque audience elle égrène les mots avec économie, son attitude distante trouble ses parents, Céline (Chiara Mastroianni) et Bruno (Roschdy Zem), qui découvrent une enfant inconnue.
L’histoire se développe, décrite par les témoins appelés à la barre, et enfin sont expliquées les raisons de la fâcherie entre les deux amies. Une vidéo postée sur Internet, puis de nouvelles preuves apportées détournent l’attention et emmènent vers d’autres pistes pour tenter de comprendre les événements de la nuit précédant le crime. Croire ou ne pas croire ?
Ce que révèle le film avec évidence, c’est la part d’ombre des enfants face à leurs parents, le fait que ceux-ci peuvent être surpris, voire sidérés, d’apprendre leurs façons de s’épanouir et de vivre leur sexualité. Ce qu’il révèle également, grâce au talent conjugués de l’avocat de la défense (Annie Mercier), de l’avocate générale (Anaïs Demoustier) et du président de la cour, l’avocat (Pascal-Pierre Garbarini), c’est qu’avec une bonne plaidoirie, on peut être convaincu de l’innocence de Lise bien que tous les éléments et indices corroborent sa culpabilité.
Le film est réussi, par la tension permanente qu’il instaure entre les protagonistes et l’extrême souffrance qu’il parvient à mettre au jour. La souffrance de parents dépourvus de regards sur leur enfant, atteints par l’énigme et le doute insupportables qui demeurent au-delà de tout.
La Fille au bracelet montre la responsabilité, dans les pratiques adolescentes, d’Internet et des réseaux sociaux qui obscurcissent et détournent de la vie de relations par une surenchère de narcissisme et d’images de soi et du monde totalement virtuelles.
Sur un schéma assez classique du film de procès, Stéphane Demoustier construit un écheveau de réflexions, d’argumentations et de contre-vérités, tissant une inextricable situation dans laquelle le secret de la vérité peu à peu se noie dans la peur de survivre dans la culpabilité.
par Gisèle Breteau Skira
Jeune Cinéma n°399-400, février 2020
La Fille au bracelet. Réal, sc : Stéphane Demoustier ; ph : Sylvain Verdet ; mont : Damien Maestraggi ; mu : Carla Pallone. Int : Mélissa Guers, Chiara Mastroianni, Roschdy Zem, Annie Mercier, Anaïs Demoustier, Carlo Ferrante, Pascal-Pierre Garbarini (France, 2019, 96 mn).