par Jean-Max Méjean
Jeune Cinéma n°399-400, février 2020
Sortie le mercredi 4 mars 2020 et le lundi 22 juin 2020
Quinze jeunes danseurs, en tournée pour danser Crowd, une pièce de Gisèle Vienne inspirée des raves des années 90, vont se livrer, à la fois dans les répétitions, les discussions et leurs échanges, à Patric Chiha qui les suit de théâtre en théâtre.
Le spectacle déteint en effet sur la vie, et la vie sur le théâtre, car dans les improvisations, ils se servent de leur propre existence, de leur corps, et de leurs amours. Le film passe alors imperceptiblement du documentaire sur la danse à un film-voyage troublant, à travers nos nuits, nos rêves, nos fêtes, nos amours.
Le réalisateur parvient à changer de sujet presque tout au long de son documentaire. Le film sur la danse devient un film sur l’amour, comme si les genres se télescopaient. C’est un film qui joue sur la fascination, l’hypnose, la transe. Sur les traces, les impressions que laissent ces corps au travail, tout en nous renseignant sur la construction des personnages, à partir d’une fiction proposée à chacun par Gisèle Vienne. Et leurs cœurs réellement tourmentés en coulisses, tous les désirs et les sentiments qui circulent entre eux en dehors de la scène, comment ils se mêlent à leur travail, se confondent.
C’est ce jeu sur le va-et-vient entre scène et hors scène qui fait le charme de ce film. Tous nous parlent de l’invention de leurs personnages et de la confusion de ces désirs entremêlés. Ils en viennent ainsi à nous révéler qui ils sont. Le tout dans une belle semi-obscurité bleutée qui rend hommage au clair-obscur cher au Caravage et aux peintres de la Renaissance.
Un film à la fois profond et intense, qui parle de l’amour, en s’ouvrant sur les sentiments : et si le fait de danser était aussi une forme d’amour, et si le fait de se produire sur scène procédait de l’amour, et si le désir des corps et des âmes de ceux avec qui l’on danse participait aussi de l’alchimie de cet amour dont on ne sait rien, ou si peu.
"Crowd, déclare le réalisateur, est une pièce de danse sans paroles, mais les danseurs se sont chacun écrits - en collaboration avec Gisèle et l’écrivain Dennis Cooper - une histoire, un scénario, avec un passé, un parcours pour construire leurs personnages. En danse, c’est une démarche rare et surprenante : elle questionne de manière passionnante le processus de création."
Et c’est à ce niveau que le film est intéressant - et parfois déroutant.
Jean-Max Méjean
Jeune Cinéma n°399-400, février 2020
Si c’était de l’amour. Réal : Patric Chiha ; sc : d’après l’œuvre de Gisèle Vienne ; ph : Jordane Chouzenoux ; mont : Anna Riche (France, 2019, 82 mn). Documentaire.