On ne dira jamais assez à quel point l’art d’écrire au sujet d’un comédien est art délicat, difficile, voire impossible. L’interprète est sujet à tant de variations qu’il n’est guère aisé de réaliser une réelle synthèse de valeur.

C’est pourtant ce que vient d’accomplir Bernard Bastide dans ce beau livre.
Beau livre à tous égards : pas son aspect visuel, d’abord (l’éditeur nîmois Bruno Doan a mis au jour un objet peu commun), beau livre surtout par la passion qui le traverse, une passion réfléchie, ô combien documentée : la comédienne, qu’il a connue près de vingt-cinq ans, s’est investie dans l’ouvrage et a ouvert avec générosité ses archives à ce chercheur universitaire, membre de l’excellent groupe de recherche le Film pluriel qu’anime, à Paris 3, François Thomas ; des archives vivantes où l’on découvre entre autres des lettres inédites de François Truffaut, ainsi qu’une correspondance avec la mère de la comédienne, lors d’une des périodes décisives de sa vie, de 1956 à 1960.

Involontairement testamentaire - il parut peu après le décès de l’actrice) -(1), l’ouvrage demeure d’une richesse rare ; l’équilibre entre le charme de l’iconographie, l’élégance de la maquette et la sûreté du travail jusque dans la filmographie la moins fréquentée, donne tout son prix à l’ouvrage. À propos de prix, signalons qu’il obtint celui du meilleur album 2013 du Syndicat français de la Critique de cinéma ; Bernadette Lafont, une vie de cinéma est un livre émouvant qu’on n’oublie pas.

Philippe Roger
Jeune Cinéma n°359, printemps 2014

1. Bernadette Lafont, née en 1938, est morte le 25 juillet 2013.

Bernard Bastide, Bernadette Lafont, une vie de cinéma, Atelier Baie, 2013, 352 p.