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Benni (2019)
de Nora Fingscheidt
publié le lundi 22 juin 2020

par Gisèle Breteau Skira
Jeune Cinéma n° 399-400, février 2020

Ours d’argent à la Berlinale 2019

Sortie le lundi 22 juin 2020


 


Benni, une fillette de 9 ans, sujette quotidiennement à des crises de violence et d’hystérie, terrorise son entourage. Dangereuse pour les autres enfants à l’école et pour elle-même, elle va de foyers en foyers, sans parvenir à trouver l’équilibre qui lui permettrait de revivre avec sa mère, célibataire et mère de deux autres enfants. Helena Zengel est Benni, jeune et jolie gamine, aux cheveux blonds ébouriffés sur un visage rond d’une blancheur de porcelaine. Sauvageonne, intrépide et infernale, elle joue ce rôle avec une liberté étonnante, sans aucune crainte ni limite à son énergie débordante.


 

Le film relate de façon éprouvante l’itinéraire sans joie de cet enfant dont l’unique refuge affectif est sa mère, lien marqué d’une plaie inguérissable. Au fur et à mesure, on comprend que Benni a vécu un traumatisme dans sa petite enfance, une peur panique ; un geste sur son visage, simplement effleuré, réveille en elle des flots de cris et de larmes.


 

L’écriture alterne de façon un peu systématique séquences narratives au présent, filmées caméra à l’épaule dans sa vie de tous les jours, et séquences balayées, floues, tremblées et teintées de rouge, évoquant l’effroi du passé. Ces images suggèrent ce passé sans l’indiquer de façon visible.
Benni est un cas social, une enfant à la dérive. Les structures - foyers, institutions scolaires, familles d’accueil - habilitées à la prendre en charge déploient efforts et réflexions pour entrevoir une solution et tenter de canaliser et d’évacuer le trop-plein de haine de la fillette à l’égard des autres et du monde. Ses crises finissent souvent par des piqûres dans les chambres d’isolement de l’hôpital psychiatrique.


 


 

Le film, en forme de coup de poing, dénonce la difficulté extrême de pallier le mal-être de ces enfants malmenés dont l’issue unique est la fuite en avant pour rejoindre les bras d’une mère. Chaque fois que Benni s’échappe, c’est pour la retrouver, jusqu’à la dernière course à l’aéroport, métaphore de son envol vers la vie, dont elle n’avait sans doute pas même imaginé la possibilité.


 


 

Nora Fingscheidt pose les différents éléments de l’histoire et étoffe chaque personnage avec la sensibilité féminine nécessaire, notamment pour caractériser les personnages secondaires, l’éducateur (Albrecht Schuch) débordant de tendresse, de patience et d’attention, Madame Bafané (Gabriela Maria Schmeide), la mère aimante et protectrice que Benni aurait voulu avoir, et sa propre mère (Lisa Hagmeister), si fragile et désorientée que l’on se doute que rien avec elle n’est encore possible. L’amour que Benni réclame à cor et à cri doit lui être exclusif. Une démonstration rude et réelle de l’enfance abîmée.

Gisèle Breteau Skira
Jeune Cinéma n° 399-400, février 2020


Benni (Systemsprenger). Réal, sc : Nora Fingscheidt ; mont : Stephan Bechinger ; mu : John Gürtler. Int : Helena Zengel, Albrecht Schuch, Gabriela Maria Schmeide, Lisa Hagmeister (Allemagne, 2019, 118 mn).



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