par Gisèle Breteau Skira
Jeune Cinéma n°359 mai 2014
Sortie le mercredi 30 avril 2014
Sur l’affrontement armé et politique au Sahara occidental, depuis les années 70, entre le Maroc, la République arabe sahraouie démocratique (RASD) proclamée par la Front Polisario en 1976, l’Algérie et les conditions de vie des réfugiés sahraouis dans les camps de Tindouf en Algérie, Alvaro Longoria réalise ce documentaire, produit et interprété par Javier Bardem. Un film militant pour la cause des droits de l’homme, mettant en lumière les responsabilités des différentes puissances face à une situation dramatique non résolue depuis l’occupation coloniale du pays par l’Espagne et son retrait en 1975.
Alvaro Longoria, qui a produit Che de Steven Soderbergh, ainsi que Looking for Fidel de Oliver Stone, (1) s’intéresse depuis longtemps à la crise du Sahara occidental.
Quant à Javier Bardem, il développe ici une force militante et une conviction persuasive à la cause sahraouie, à l’instar de l’engagement qu’il avait montré auprès des Indignés de Madrid. En 2008, il est invité au FISahara (Festival internacional de Cine del Sahara). Vivant au contact des réfugiés sahraouis, il prend conscience de leur situation et est sidéré par l’ampleur des camps. C’est pour faire pression sur les médias qu’il décide de produire Enfants des nuages, montage d’images en provenance de diverses sources.
Certaines sont prises dans le quotidien des Sahraouis - témoignages de femmes et d’enfants, dont Aminatou Haidar, militante de la cause -, d’autres sont des images d’archives, notamment celles, très impressionnantes, de la longue marche des Marocains vers le Sahara. D’autres encore sont des interventions d’hommes politiques, anciennes (Hassan II, le général Gomez Salazar, ancien gouverneur du Sahara occidental, Juan Carlos) ou actuelles, Premier ministre du Front Polisario, Felipe Gonzalez, ancien chef du gouvernement espagnol, Jean-François Poncet, ancien ministre des Affaires étrangères. Le film montre aussi les refus d’entretien opposés par José Maria Aznar, Kofi Annan, Valéry Giscard d’Estaing, ainsi que les autorités marocaines.
Face à la tragédie de la situation et à la complexité géo-politique du conflit, le film déploie une matière extrêmement riche qu’il fabrique image après image, à la fois au niveau narratif et esthétique.
En effet, depuis le désert jusqu’à la quête de justice auprès des plus hautes instances des Nations Unies, le scénario développe, parallèlement à l’objectif documentaire et à sa cause bien réelle, une véritable fiction. Les plans sur la croisade menée par Javier Bardem, notamment au siège de l’ONU, sont dignes des meilleurs films américains d’espionnage diplomatique, suspense compris.
Les plans du désert de jour et de nuit sont d’une grande beauté, comme l’abondance des couleurs des étoffes et des voiles des femmes sahraouies. Vus d’avion, les camps de réfugiés apparaissent cloisonnés, fragmentés, enclavés et fourmillants. Les Sahraouis, à l’origine, étaient des nomades. Le film de Alvaro Longoria plaide pour leur liberté et la reconnaissance de leur peuple et de leur terre ancestrale.
Gisèle Breteau Skira
Jeune Cinéma n°359 mai 2014
1. Pour Che, film en deux parties de Steven Soderbergh (2008), Benicio del Toro a reçu le Prix d’interprétation masculine au Festival de Cannes, 61e édition.
Enfants des nuages, la dernière colonie (Hijos de las nubes, la ultima colonia). Réal. : Alvaro Longoria. Int : Javier Bardem, Victoria Abril, Manu Chao Roland Dumas Elena Anaya (Espagne, 2012, 81 mn). Documentaire.