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Park (2016)
de Sofia Exarchou
publié le mercredi 8 juillet 2020

par Jean-Max Méjean
Jeune Cinéma en ligne directe

Sélection officielle du Festival de San Sebastian 2016.
Prix du meilleur premier film

Sortie le mercredi 8 juillet 2020


 


La Grèce est considérée comme le creuset de la civilisation occidentale, ainsi que le berceau des Jeux olympiques. Sofia Exarchou nous offre ici un portrait sans pitié de sa décadence, justement à travers les ruines du stade olympique édifié pour les Jeux de 2004, dans lesquelles errent des jeunes gens désœuvrés et désespérés et des armées de chiens faméliques. Ce n’est pas seulement une figure de style ou une allégorie pour mettre en scène un désespoir, mais une réalité : la Grèce a bel et bien été ruinée par les manœuvres machiavéliques de l’Union européenne, comme l’a bien montré le film de Costa-Gavras, Adults in the Room. (1)


 

Tout le film ne montre qu’une jeunesse à la dérive, à laquelle on ne propose rien d’autre que les ruines du capital, que des rêves de plage et de fêtes de pacotilles, avec la chair offerte et mollassonne des touristes de tous les pays, comme si la Grèce ne devait se contenter que des restes, et du rôle de bronze-cul d’une Europe désormais quasiment en faillite. En choisissant ce décor de ruines - rien à voir avec celles, magnifiques et hiératiques, du Parthénon -, la réalisatrice nous donne à voir notre déchéance, notre crasse, notre incapacité à créer du lien social et à préserver le patrimoine.


 

Ce stade, qui a à peine plus de quinze ans, est laissé à l’abandon, prouvant à la fois la cupidité du capitalisme et l’inanité de ces Jeux olympiques, infâme machine à faire du fric et dont le report à cause de coronavirus cette année n’est qu’une avanie supplémentaire dans un océan de mensonges et de malversations. Dans ce décor qui sert de cadre à ces enfants perdus, on pense bien sûr à Gomorra de Matteo Garrone (2), la Mafia en moins, même si on la sent pointer le bout de son nez, comme si l’absence d’avenir ne pouvait que confiner au désespoir et surtout à la violence.


 

Le film est magnifique, offrant un portrait au noir de notre société. Chaque plan nous montre combien le capitalisme est devenu une machine folle, emballée vers l’apocalypse. En brossant le portrait d’une génération perdue dont on a dérobé l’avenir, croisant le passé glorieux de la Grèce et sa décadence actuelle, sur fond de complexes sportifs à l’abandon, de ruines et de nouveaux centres touristiques, Sofia Exarchou nous tend un miroir très réaliste, hélas, de notre proche avenir.

Jean-Max Méjean
Jeune Cinéma en ligne directe

1. Adults in the Room de Costa-Gavras (2019).

2. Gomorra de Matteo Garrone (2008).


Park. Réal, sc, mont : Sofia Exarchou ; ph : Monika Lenczewska. Int : Dimitris Kitsos, Dimitra Vlagopoulou, Enuki Gvenatadze, Thomas Bo Larsen (Grèce-Pologne, 2016, 100 mn).



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