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Madre (2019)
de Rodrigo Sorogoyen
publié le mercredi 22 juillet 2020

par Gisèle Breteau Skira
Jeune Cinéma en ligne directe

Sélection officielle de la Mostra de Venise 2019

Sortie le mercredi 22 juillet 2020


 


Depuis son premier long métrage, Stockholm, réalisé en 2013, le jeune réalisateur espagnol Rodrigo Sorogoyen enchaîne films et succès - Que Dios nos perdone puis El Reino dans différents festivals. Son quatrième long métrage est dans la même veine que les précédents. (1)


 

Elena, la Madre (Marta Nieto), est confrontée à la disparition de son fils Ivan, âgé de 6 ans, sur une plage des Landes. Une tragédie. Dix ans après, elle rencontre Jean, un adolescent qui pourrait être son fils disparu. Mené avec beaucoup d’affolement, de passion, de désespérance et d’amour, le film de Rodrigo Sorogoyen emprunte parfois au cinéma des frères Dardenne la notion d’irréparable, celle qui, portée par un élan de vie et une profonde conviction, peut vaincre tout fatalisme.


 


 

Sur le plan scénaristique, tenir la durée sur une absence n’est pas évident. Comment la combler, comment faire avancer la narration, comment structurer une intrigue ou simplement suspendre le temps filmique ? Autant de questions que le réalisateur s’est posées, car le film n’est ni une enquête ni un thriller, c’est le drame intime d’une mère face à l’arrachement d’un enfant.
Rodrigo Sorogoyen choisit l’ellipse, il travaille son style et fabrique un cinéma de l’urgence, ardent et saccadé, dont le rythme souligne une réalité poignante. Il estompe volontairement les dix années de souffrance de la mère face à la disparition, et choisit de la faire réapparaître apaisée, auprès de son compagnon Joseba. Seuls quelques plans fixes et répétitifs de la plage immense et déserte, lieu du drame et lieu de vie d’Elena depuis celui-ci, témoignent de sa douleur encore vive.


 

Le film a des accents de tragédie grecque, Elena, comme Jocaste, est à la fois la mère et l’amante d’Œdipe / Jean. Pour le réalisateur, il fallait cet amour interdit pour atténuer la souffrance d’Elena. Après réflexion, le doute sur l’identité réelle de Jean plane jusqu’à la fin et c’est probablement cette incertitude qui fait la force de la dramaturgie. D’autant plus que l’adolescent mal aimé dans sa famille et auprès de sa mère (incarnée par Anne Consigny), n’a qu’une idée en tête, celle de fuir. Nul besoin alors de l’amour interdit, sauf pour définitivement annoncer au spectateur que Jean n’est pas Ivan.

Gisèle Breteau Skira
Jeune Cinéma en ligne directe

1. Que Dios nos perdone (2016) ; El Reino (2018). En 2017, Rodrigo Sorogoyen a réalisé un court métrage, intitulé Madre, nommé aux Oscars 2019. Il fait figure de prologue à Madre (2019), le long métrage.


Madre. Réal, sc : Rodrigo Sorogoyen ; sc : Isabel Peña ; ph : Alejandro de Pablo ; mont : Alberto del Campo ; mu : Olivier Arson. Int : Maria Nieto, Jules Poirier, Alex Brendemühl, Anne Consigny, Frédéric Pierrot (Espagne, 2019, 128 mn).



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