par Gisèle Breteau Skira
Jeune Cinéma en ligne directe
Ivano de Matteo : Prix Sergio Leone du Festival d’Annecy 2014
Nos enfants est le quatrième long métrage d’Ivano De Matteo, dont nous ne connaissons que La bella gente (2008) et Les Équilibristes (2012).
Il est adapté du roman d’Herman Koch, Le Dîner, et met en scène deux couples d’une même famille et leurs enfants respectifs auteurs d’un crime.
Le prodige du film est dans le rythme et la progression, lente, insidieuse, inéluctable de la vérité.
Insensiblement, tout se met en place, la situation sociale des deux frères, un avocat reconnu et un pédiatre dévoué, leurs caractères, inclinaisons et complaisances.
Les mouvements de caméras sont larges, le montage serré et vif, la narration dynamique.
Voilà un portrait vite brossé sans caricature d’une bourgeoisie bien installée dans ses certitudes et ses privilèges - seul trouble au tableau, un plan quelque peu insistant sur les enfants jouant devant un écran d’ordinateur, sans insinuation pourtant d’une quelconque prémonition d’un drame à venir.
Cependant, c’est à partir de ce moment précis que tout bascule et chavire, à la fois dans le rythme des événements qui s’accélère, les faits qui se multiplient, les preuves qui s’accumulent, et enfin le chagrin, le désespoir et la folie des parents.
L’expression défaite de Giovanna Mezzogiorno au bord de l’évanouissement est remarquable de justesse et d’émotion.
Mais la question que pose Ivano De Matteo est celle-ci : qui sont les criminels ?
Nos enfants sont-ils responsables de la cruauté et de la violence de leurs actes ?
Les adultes sont-ils, à leur tour, responsables, et même coupables, d’offrir à leurs enfants une technologie capable de favoriser en eux à la fois un narcissisme exacerbé par la construction d’une image irréelle de soi et une avidité à se projeter en héros de je ne sais quel combat.
Le film aborde un sujet d’une grande complexité.
D’abord sur la propension des parents à l’enfouissement de la vérité en ce qui concerne leurs enfants, ensuite face à leur faiblesse.
Effacer, oublier, renoncer ne suffira pas à l’enfant pour se sortir d’un tel acte, le dénouement choisi s’avère d’une folie effrayante.
Nos enfants est un film d’une importance rare qui, par son style, son écriture et son filmage, parvient à nous concerner directement.
Gisèle Breteau Skira
Jeune Cinéma en ligne directe (10 décembre 2014)
Nos enfants (I nostri ragazzi). Réal, sc : Ivano De Matteo ; sc : Valentina Ferlan ; ph : Vittorio Omodei ; mont : Marco Spoletini. Int : Alessandro Gassman, Luigi Lo Cascio, Giovanna Mezzogiorno, Barbara Bobulova (Italie, 2013, 92 mn).