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Adolescentes (2019)
de Sébastien Lifshitz
publié le samedi 13 mars 2021

par Nicole Gabriel
Jeune Cinéma en ligne directe

Sélection officielle du Festival de Locarno 2019

Sortie le mercredi 9 septembre 2020


 


Le réalisateur a suivi durant cinq ans, de l’âge de 13 à 18 ans, deux jeunes filles, Emma et Anaïs, dans la bonne ville de Brive-la-Gaillarde, jadis célébrée par Brassens quoiqu’il n’y eût jamais mis les pieds, terre corrézienne - de tendance chiraco-hollandiste. Malgré une certaine longueur, due essentiellement à quelques redites, le film est émouvant.


 

Tout d’abord, du fait de son casting. Les deux héroïnes sont, ne serait-ce que socialement, dissemblables.
La première vit à l’abri du besoin, dans le coquet pavillon familial d’une moyenne bourgeoisie provinciale, surprotégée par une mère fonctionnaire qui veille constamment au grain.
La seconde, d’extraction moins favorisée, connaît plus de difficultés auxquelles faire face. Tout d’abord, celles d’ordre scolaire, autrement dit de l’ostracisme insidieux du système éducatif républicain ; ensuite, celles au sein de son foyer, dues à l’immaturité d’un couple parental dépendant du système social : une mère obèse, guère plus âgée qu’elle en apparence, et un géniteur "sans dents", comme disait le député de l’étape devenu président, mais aussi sans idées, sans projets.


 


 

L’usage du montage alterné permet le passage en douceur de l’univers de l’une à celui de l’autre. Le travail discret et tout en finesse de la mise en scène ; l’élimination du superflu dans les centaines d’heures de rushes ; le soin apporté au cadrage et à la lumière ; la focalisation sur les visages adolescents, le grain et les aspérités de la peau, les scènes du plan d’eau, lac ou parc aquatique tenant lieu d’océan ; la qualité des dialogues tenus par les protagonistes (et retenus dans le montage final) qui ont l’authenticité du "pris sur le vif" tout en paraissant avoir été ciselés par un auteur talentueux - du niveau d’un autre Corrézien : Éric Rohmer - font de ce très long métrage une réussite.


 


 

La question rebattue, et selon nous saugrenue, sur le genre cinématographique (s’agit-il d’un "vrai film" ou d’un "simple documentaire" ?) n’a plus lieu d’être. Le réel est bel et bien là, moins dans les inserts de journaux télévisés rappelant, s’il le fallait, les attentats de Charlie et du Bataclan, qui deviennent objets de débats en classe, que dans les déterminations sociales que ne masquent ni l’amitié entre lycéennes ni les amours et amourettes de jeunesse. Politiquement, en tous les cas, tout le monde est désappointé par le résultat de l’élection présidentielle de 2017, les prolos d’extrême droite sans doute un peu plus que la bourgeoisie bien-pensante.


 

Les deux héroïnes, transformées en et par ces quelques années, vont se délocaliser. L’une est, littéralement, limogée tandis que l’autre espère faire carrière en suivant des cours de cinéma... à l’Université Paris 8. Les années d’apprentissage, dès lors, se teintent de mélancolie.

Nicole Gabriel
Jeune Cinéma en ligne directe


Adolescentes. Réal, sc : Sébastien Lifshitz ; ph : Antoine Parouty, Paul Guilhaume ; mont : Tina Baz ; mu : Tindersticks (France, 2019, 135 mn).



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