par Gisèle Breteau Skira
Jeune Cinéma en ligne directe
Sélection officielle du Festival de Cannes 2020
Sortie le mercredi 16 septembre 2020
Le titre du dixième long métrage de Emmanuel Mouret, Les Choses qu’on dit, les choses qu’on fait, évoque dès l’abord une dualité dans la parole et dans l’acte, et reprend son thème favori, celui du discours amoureux (et celui du désir), voué naturellement à l’effacement.
Daphné (Camélia Jordana), enceinte de François (Vincent Macaigne), absent à cause de son travail, doit recevoir son cousin Maxime (Niels Schneider). Elle va passer quelques jours avec lui, alors qu’elle ne l’a encore jamais rencontré. Pour faire connaissance, elle propose d’énoncer, chacun à leur tour, leur histoire amoureuse.
Se met en place alors, dans une mise en scène proche du théâtre, une chorégraphie amoureuse dans laquelle les confidences répondent aux (délicieuses) tentatives d’approche des personnages. Un jeu de gestes et d’expressions où s’immisce, avec une grâce exceptionnelle, la finesse des dialogues. La structure du récit, construite avec perspicacité autour de la vie de trois couples, révèle la complexité et l’évidence des situations, à travers une conversation brillante d’une linéarité sans faille.
Ce marivaudage à six est une réussite, par son écriture, son invention et son analyse des sentiments. L’utilisation du plan séquence offre toute sa visibilité au mouvement des personnages et à leurs expressions, jusque dans le prolongement et le frôlement des corps. L’apogée de l’élan émotionnel est accompagné à plusieurs reprises par une musique choisie - Purcell, Chopin, Mozart, Tchaïkovski, Poulenc et Satie.
Le réalisateur s’attarde sur le dire et le faire. "Dire" les histoires d’amour de chacun, entraîne les deux protagonistes, Daphné et Maxime, à "faire" l’amour.
L’interprétation est remarquable. Émilie Dequenne montre un visage d’une expressivité exceptionnelle, Vincent Macaigne, quoique sur la réserve, est d’une grande maîtrise, Camélia Jordana triomphe, avec son élocution séduisante, attendrie et charmée par le jeu de Niels Schneider.
Comme dans la plupart de ses films et plus particulièrement dans le précédent, Mademoiselle de Jonquières, adapté de Diderot, Emmanuel Mouret affirme sa passion du sentiment amoureux, en développant un labyrinthe de liaisons, de confidences, de trahisons et de dons de soi ; il aime à s’égarer dans ce lieu obscur de la pensée, en éclairant l’inextricable hiatus qui subsiste entre la parole et l’acte de l’amour.
Gisèle Breteau Skira
Jeune Cinéma en ligne directe
Les Choses qu’on dit, les choses qu’on fait. Réal, sc : Emmanuel Mouret ; ph : Laurent Desmet ; mont : Martial Salomon ; int : Camélia Jordana, Vincent Macaigne, Niels Schneider, Émilie Dequenne, Jenna Thiam, Guillaume Gouix (France, 2020, 120 mn).