par Lucien Logette
Jeune Cinéma n°360, été 2014
Sélection officielle Séances spéciales du Festival de Cannes 2014
Sorties les mercredis 17 décembre 2014 et 13 décembre 2024
Étonnant film, signé de deux noms inconnus et qui représente l’antithèse exacte du film de Sergei Loznitsa, Maidan (2014). Autant celui-ci refuse d’intervenir, observant les événements d’un objectif inerte, autant Eau argentée éclate de toutes parts, multipliant les perspectives personnelles.
Si on suit le début avec un peu d’inattention, les images de torturés, façon Irak ou Guantanamo, étant devenues si familières que l’impact en est émoussé. Mais là, on est rapidement emporté. le film impose son rythme, montrant qu’il y a bien un cinéaste - et même deux, le Syrien et la Kurde - derrière la caméra et ses succédanés, puisque nombre de plans semblent avoir été saisis avec des téléphones portables.
Le point de vue, d’abord un peu flottant - on voit autant de crieurs de "Allah akhbar" que de "Vive Bachar" -, s’organise lorsque naît le dialogue entre Simav et Havalo, et on comprend pourquoi le commentaire cite Alain Resnais, Akira Kurosawa et Grigori Tchoukhrai : ce sont des connaisseurs qui filment et échangent ainsi à distance et c’est vraiment très puissant.
Presque tous les plans sont remarquables, et pas seulement ceux des combattants. Curieusement, ce sont ceux des chats perdus ou moribonds (ainsi celui qui saute de la fenêtre et détale) qui sont les plus touchants. Une poupée brisée, une traînée de sang sur la neige, simple signes, émeuvent au plus haut point. Et la balade dans Homs en compagnie du minuscule orphelin qui cueille des fleurs pour la tombe de son père et indique où sont postés les snipers est un grand moment.
L’image est pourrie, mais c’est ce qui lui donne toute sa force - ainsi que l’intelligence et les astuces du montage et des intertitres. C’est du Jean-Luc Godard réussi.
Lucien Logette
Jeune Cinéma n°360, été 2014
Eau argentée, Syrie autoportrait (Ma’a al-Fidda) Réal, sc, ph : Ossama Mohammed & Wiam Simav Bédirxan ; mont : Maisoun Assad & Dani Abouloh ; mu : Noma Omran (Syrie-France, 2014, 92 mn). Documentaire.