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Grande Vadrouille (la) (1966)
de Gérard Oury
publié le jeudi 16 juillet 2020

par Jérôme Fabre
Jeune Cinéma n°361-362, automne 2014

Sorties le jeudi 8 décembre 1966 et le mercredi 13 juillet 2016


 

Pour saluer son cinquantenaire, Jeune Cinéma a posé une question à ses collaborateurs : Quel film des cent dernières années aimeriez-vous sortir de l’ombre ?
Ce film fait partie des hidden gem (re)découverts à cette occasion.


Mes plus mauvais souvenirs de la Cinémathèque, lieu fondamentalement déplaisant, peuplé de connaisseurs partageant des pensées profondes et exclusives d’un air entendu, dont l’avènement du DVD m’a bienheureusement libéré, sont ces pathétiques pantalonnades de tristes sires en velours côtelé, dénués de tout humour dans la vie mais trouvant de bon ton, dans l’obscurité fétide et infatuée du palais de Chaillot, de rire à gorge déployée devant les simagrées cauchemardesques de Laurel et Hardy, de se taper sur les cuisses devant le sinistre Harry Langdon, de s’enchanter devant les fadaises du plat Frank Capra, les screwball comedy constipées ou, summum, de dérider leur face crayeuse à l’apparition en miroir du simiesque Jerry Lewis, dont aucun Américain sensé n’a jamais voulu.


 

Car leur secret magnifique est là : l’humour, que généralement ils conchient, n’est acceptable, et même au-dessus de tout soupçon, que s’il est américain, ce qui est également une façon de regarder de haut nos jeunes, incultes et superficiels cousins.


 

Le cinéma français louable ne saurait s’abaisser à ce genre infantile - l’adjectif "français" se mue sinon automatiquement dans leur bouche en "franchouillard" ou "bourgeois" - sauf toutefois à produire des fantaisies pas drôles, Jacques Rozier hier, Vincent Macaigne aujourd’hui.


 

En réaction, mais aussi parce que c’est quand même plus drôle, j’ai une passion franche, assumée et jamais démentie pour Louis de Funès, et pour Gérard Oury, qui n’ont pas eu une fin glorieuse certes, mais pas pire que celles de Buster Keaton ou de W.C. Fields.


 

Au sommet de leur collaboration se trouve La Grande Vadrouille, film dont personne n’a jamais réussi à m’expliquer, une fois le snobisme soustrait à l’appréciation, en quoi la scène des bains n’égalait pas le plus pointilleux des Ernst Lubitsch, celle des citrouilles les Marx Brothers, le duo mal ajusté celui de Matthau et Lemmon, ni en quoi le jeu agité, protéiforme et caoutchouteux d’un Louis de Funès, plus fébrile qu’il n’y paraît, ne valait pas celui de Jim Carrey, seul acteur à avoir eu, de son vivant, les honneurs d’une rétrospective… à la Cinémathèque française. (1)

Jérôme Fabre
Jeune Cinéma n°361-362, automne 2014

1. La Cinémathèque française a présenté une exposition Jim Carrey, né en 1962, du 1er au 14 février 2010.
"Pour la première fois de son histoire", elle a rendu hommage à Louis de Funès (1914-1983, en lui consacrant une grande exposition et un catalogue, accompagnés par une une rétrospective (15 juillet 2020-1er août 2021).


La Grande Vadrouille. Réal, sc : Gérard Oury ; ph : André Domage & Claude Renoir ; mont : Albert Jurgenson ; mu : Georges Auric ; cost : Tanine Autré & Léon Zay. Int : Bourvil, Louis de Funès, Terry-Thomas, Marie Dubois,, Paul Préboist, Benno Sterzenbach, Hans Meyer, Claudio Brook, Andréa Parisy, Henri Génès (France, 1966, 132 mn).



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