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What a Flash ! (1972)
de Jean-Michel Barjol
publié le lundi 23 août 2021

par Lucien Logette
Jeune Cinéma n°179, février-mars 1987

Sortie le mercredi 4 octobre 1972


 


What a Flash !, n’a pas disparu puisque le film de Jean-Michel Barjol, après une première exploitation ultra confidentielle en octobre 1972, surgit à nouveau sur les écrans de 1986. What a Flash ! avait à l’époque fait un superbe flop, pour d’évidentes raisons. Le nom de son auteur n’éveillait l’intérêt que de ceux qui avaient pu voir lors des festivals de Tours de la décennie précédente, Santo Pietro ou Le Temps des châtaignes. Le seul nom d’acteur à "mettre au dessus du titre" à l’époque était celui de Bernadette Lafont - mais aujourd’hui, la distribution a pris tout son cachet, avec des inconnus qui se sont affirmés. Le sujet enfin, un happening de 72 heures, créé par deux cents comédiens, arrivait en plein creux de vague. Les happenings géants de mai 1968, comme la prise de l’Odéon ou l’incendie de la Bourse avaient constitué un point de non-retour. La création de situations éphémères était désormais une idée d’avant le déluge, et ne correspondait plus à l’air du temps, qui s’annonçait frileux. Que What a Flash ! soit demeuré une cérémonie pour initiés était donc tout à fait compréhensible.


 


 

Et pourtant le film avait un poids et une fraîcheur qu’une vision récente atteste derechef.
Rappelons l’argument, qui se souvient de L’Ange exterminateur  : deux cents personnes, comédiens et autres, furent enfermés dans un studio pendant trois jours sans échappatoire. Une seule contrainte : ni drogue, ni alcool. Un thème : le studio figurait une capsule spatiale en route vers l’anéantissement, le délai écoulé. Cinq équipes de tournage filmaient en continuité l’événement.


 


 

Certes, les 90 minutes conservées au montage ne peuvent présenter autre chose qu’un squelette, une sorte d’accéléré de la situation. Mais tel qu’il est, le film reconstitue exactement les différents états successifs traversés par ceux qui, un jour ou l’autre, ont eu l’occasion de se prêter à un tel jeu : l’amusement, l’excitation, le frénésie, la distance, l’ennui, le rejet, la fatigue, l’ivresse, le décollage, l’excès, la haine, etc.


 


 


 

Certains traits datent l’époque : la musique "planante", le recours à la liturgie détournée, le désir de sacrilège assez dérisoire (crucifixion, mariage). Mais au delà des cheveux très longs et des vêtements "baba", bon nombre de moments gardent tout leur impact : les corps nus qui se coulent dans les flots de peinture répandus, les imprécations spontanées, la simulation d’acte sexuel qui se transforme peu à peu en coït véritable, les comédiens dont le masque craque brusquement et qui oublient leur métier pour crier leur angoisse, ceux dont on ne sait plus s’ils jouent encore ou s’ils agonisent vraiment, l’ouverture des portes et les rescapés titubant dans la lumière du petit matin retrouvé, qui avouent leur fascination et leur désir de recommencer le psychodrame. Il y a là toute une succession d’instant forts, où les "vibrations" (encore un terme d’époque) déterminées par les situations franchissent l’écran.

Le problème que l’on peut se poser devant What a Flash ! est qu’il nous parle d’un lieu et d’un temps révolus. Le plaisir que l’on a pu y prendre est celui des retrouvailles. Que peut-il représenter pour un regard neuf, ni nostalgique, ni comparatif ? C’est ce que Ciné-Chiffres nous révélera bientôt. S’il demeure une expérience limite, avec pour seul précédent Who’s Crazy ? (1) et pour seule postérité Ce répondeur ne prend pas de message de Alain Cavalier (quasi-happening d’une semaine à un personnage), What a Flash ! conserve le mérite d’exister, de représenter le dernier feu d’un genre presque oublié, mais qu’un retour de mode, soyons-en certains, débusquera un jour prochain.

Lucien Logette
Jeune Cinéma n°179, février-mars 1987

1. Who’s Crazy ? de Allan Zion & Tom White (1965).


What a Flash !. Réal, sc : Jean-Michel Barjol ; mont : Chantal Durand ; ph : Renan Pollès ; son : Jean Charrière, Jean-Pierre Ruh, Pierre Lenoir. Int : Jean-Pierre Coffe, Jean-Claude Dauphin, Jean-Claude Dreyfus, Daniel Guichard, Diane Kurys, Catherine Lachens, Bernadette Lafont, Serge Marquand, Tonie Marschall, Maria Schneider, Peter Vassiliu (France, 1972, 95 mn).



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