par Sylvie L. Strobel
Jeune Cinéma n°410, automne 2021
Sélection officielle en compétition du Festival de Cannes 2021.
Grand Prix.
Sortie le mercredi 15 décembre 2021
Rahim (Amir Jadidi) purge une peine de prison pour dette. Un ami lui a prêté de l’argent, la dot de sa fille, pour lancer son entreprise artisanale de graphs et de couleurs, vite coulée par la concurrence de nouveaux procédés de fabrication. Il veut profiter d’une permission de sortie, pour convaincre son créancier de retirer sa plainte et obtenir de nouveaux délais de remboursement avec l’aide de sa famille. La trouvaille providentielle, dans le rue, d’un sac d’or le soumet à la tentation, il aurait pu se l’approprier, il résiste. La médiatisation de son geste, présenté comme exemplaire, sur les réseaux sociaux, fait de lui "un héros".
S’ensuit un imbroglio plein de rebondissements montrant toute l’ambiguïté des multiples interprétations contradictoires d’un même fait. Le héros remercie publiquement ses geôliers pour leur humanité, les familles sont chaleureuses, les femmes se voilent en sortant mais les couples séparés restent solidaires, les nouvelles liaisons sont bienveillantes, les esquives des jeunes filles sont explicites, le fils bègue inspire toutes les sympathies.
Même harmonie dans les vie sociale : les chantiers sont accessibles, les risques signalés, les associations de défense des condamnés sont actives et les délibérations nuancées, chacun défend son point de vue sans autocensure. Et si, certes, la peine de mort est maintenue, elle est rachetable contre forte caution, avec toute latitude d’organiser des collectes. On s’étonne juste un peu de cette représentation d’une société si aimable et civilisée. Un peu Éric Rohmer, un peu Frères Coen, on se régale de ce récit bien dessiné des relations privées dans un contexte social sous-entendu, on se rassure...
Asghar Farhadi est un familier des grands festivals. Une séparation a reçu l’Ours d’Or de Berlin en 2011, Le Client, l’Oscar du meilleur film étranger en 2017, Everybody Knows a fait l’ouverture de Cannes en 2018.
Il n’empêche qu’il contenait mal son émotion, à Cannes en 2021, debout au rang I, avec ses comédiens, devant la standing ovation qui a accueilli son film.
Sylvie L. Strobel
Jeune Cinéma n°410, automne 2021
Un héros (Ghahreman). Réal, sc : Asghar Farhadi ; ph : Ali Ghazi & Arash Ramezani ; mont : Hayedeh Safiyari. Int : Amir Jadidi, Mohsen Tanabandeh, Fereshteh Sadre Orafaiy, Sarina Farhadi (Iran, 2021, 127 mn).