Partir en guerre contre les sacs plastiques en Malaisie, l’analphabétisation en Syrie, le mariage forcé au Malawi, la misère dans les favelas de Rio, le fracking au Colorado, les noyades de migrants en Grèce, la déforestation en Ouganda et les inondations en Indonésie, c’est juste et nécessaire. Urgent.
En prendre conscience lorsqu’on a entre 18 ans et 25 ans, c’est une conséquence bienvenue du succès de la campagne de la jeune Suédoise Greta Thunberg (1). Activiste obstinée et forte, mais moquée voire ridiculisée par les vieux potentats planétaires et leurs courtisans, elle a réussi à se faire entendre par ceux-là mêmes qui sont concernés, les héritiers des catastrophes à venir.

Vivent les jeunes qui se sentent concernés par l’état de la planète où ils devront vivre quelques décennies, vivent les représentations que l’on fait de leurs croisades.
Encore faut-il qu’elles soient crédibles.
Dans Bigger Than Us, le compte rendu de ce combat est tout entier centré sur la jeune et jolie Melati, qui va nous faire parcourir le monde en rencontrant des activistes tout aussi jeunes et jolis qu’elle, Mary-la-blonde et sa belle santé, Mohamad-le-superbe, Winnie-la-courageuse, on passe les autres, tous beaux, propres sur eux, plaisants à voir et à entendre. On dirait un casting pour la diversité selon Benetton. C’est un éventaire.

Les favelas sont presque riantes, la cheffe de tribu au Malawi est impressionnante de sagesse, les Indiens du Colorado nous offrent une danse folklorique bien sympathique. C’est un monde sans conflit, sans armes ni violence. Et quand la violence est montrée, si peu - la police à Rio -, on croirait une reconstitution pour C8.

Les déplacements de Melati, toujours avec sa chemise blanche impeccablement repassée, le pan avant dans la ceinture, le pan arrière flottant, même dans les situations les plus crades - les tas d’épaves des migrants, le canal boueux de Jakarta -, ça ne passe pas.
C’est même assez pénible de voir cette gentille poupée traverser des paysages dévastés sans une tache de sueur sous les aisselles, sans friper son unique vêtement, sans une trace de poussière sur son front.

Depuis le temps que le sujet est parvenu aux Unes des médias, entre le misérabilisme et la promenade de santé, il pourrait déjà y avoir un autre récit, légendaire et mythique, où les protagonistes seraient dispensés de la trivialité des corps. Mais cela demande une vision et, ce toute façon, cela ne semble pas être le propos du film qui chercherait plutôt à émouvoir qu’à élever le propos.

Flore Vasseur est journaliste et écrivaine. Bigger Than Us est son premier long métrage, le précédent étant un court métrage Meeting Snowden (2016). Elle a de bonnes intentions, elle est dans la bonne direction. Et on ne s’inquiète pas pour l’avenir de ce dernier film, produit par Marion Cotillard, Canal +, France Télévision, et quelques autres.

Sol O’Brien
Jeune Cinéma en ligne directe

1. Le documentaire I am Greta de Nathan Grossman (2020) a été projeté en avant-première dans de nombreux festivals internationaux, notamment à la Biennale de Venise 2020, et a été souvent récompensé.

Bigger Than Us. Réal, sc : Flore Vasseur ; ph : Christophe Offenstein ; mont : Aurélie Jourdan ; mu : Rémi Boubal. Avec Xiuhtezcatl Martinez, Melati Wijsen, Mary Finn, Memory Banda, Rene Silva, Mohamad Al Jounde (France, 2021, 95 mn). Documentaire.