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Une histoire d’amour et de désir (2021)
de Leyla Bouzid
publié le mercredi 1er septembre 2021

par Bernard Nave
Jeune Cinéma en ligne directe

Sélection de la Semaine de la critique au Festival de Cannes 2021

Sortie le mercredi 1er septembre 2021


 


Le titre du deuxième film de Leyla Bouzid dit tout de son sujet mais rien de ce qui en fait l’originalité et surtout la qualité. Histoire d’amour donc, entre Ahmed, jeune d’origine algérienne né en France, et Farah tunisienne fraichement arrivée pour y poursuivre ses études. Ils se rencontrent sur les bancs de la Sorbonne pour un cours de littérature comparée qui porte sur la tradition érotique dans la littérature arabe du 12e siècle. Le départ de cette relation peut paraître conventionnel. Qu’il survienne dans un tel cadre l’est beaucoup moins, en un temps où une telle tradition culturelle semble relever de l’interdit religieux.


 


 


 

Un tel choix de la part de Leyla Bouzid la conduit à explorer les tensions intérieures qui empêchent Ahmed d’aller au bout de son désir pour Farah. La réalisatrice se garde bien d’expliciter ce qui conduit le jeune homme à se dérober au moment de passer à l’acte avec son amie. Le film explore cette double frustration, cette souffrance dans laquelle on sent bien le poids d’une culture de l’interdit non formulé. Le spectateur lui-même éprouve cette frustration, privé en quelque sorte, jusqu’au dernier moment d’une issue à laquelle il est coutumier en sa posture de voyeur. Jeu très habile de la part de la cinéaste pour qui ce jeu de l’amour et du désir conduit à un véritable suspense.


 


 


 

L’originalité du film tient à sa manière de prendre le contrepied des codes du film dit "de banlieue" dans lequel l’image du beur, du black et des autres semble devenir immuable. Celle de personnages aux comportements, au langage typés à outrance, interchangeables quel que soit le sujet, le contexte. Comme si dans leur réalité ces jeunes n’avaient d’autre affect que celui de leur look, de leur place dans un groupe.


 


 

Avec Leyla Bouzid nous découvrons d’abord des jeunes qui ne campent pas au pied d’un immeuble de banlieue dégradé mais qui fréquentent la fac et font preuve de curiosité pour des champs de connaissances, de culture, inattendus. Des jeunes qui éprouvent des sentiments, des émotions qui relèvent de l’intime.


 


 

Si le film captive de bout en bout par son contenu, cela tient aussi au ton adopté par la réalisatrice dans sa mise en scène faite de douceur dans la manière de composer des personnages tout en subtilité. On pense à celui du père d’Ahmed dont on ne découvre que progressivement la fêlure intérieure. Et puis les interprètes des deux personnages principaux sont d’une étonnante justesse, capables d’exprimer toutes les nuances des sentiments qu’ils éprouvent. Une révélation de la part d’acteurs pratiquement inconnus.

Bernard Nave
Jeune Cinéma en ligne directe


Une histoire d’amour et de désir. Réal, sc : Leyla Bouzid ; ph : Sébastien Goepfert ; mont : Lilian Corbeille ; mu : Lucas Gaudin. Int : Sami Oualbali, Zbeida Belhajamor, Diong-Keba Tacu, Aurélia Petit, Mahio Zrouki (France, 2021, 102mn).



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