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Mannheim-Heidelberg 2008 II
Zoom sur l’Espagne
publié le vendredi 2 janvier 2015

Mannheim-Heidelberg, 6-16 novembre 2008, 57e édition

par Lucien Logette
Jeune Cinéma n°324-325, été 2009

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Le festival de Mannheim-Heidelberg présentait cinq films espagnols (dont quatre premiers), preuve de la vitalité et de l’intérêt d’une cinématographie nationale en mouvement.

Aucun de ces titres ne figurait aux Rencontres de Toulouse d’octobre dernier (cf. JC 322-323, printemps 2009), ce qui montre la richesse du fonds.
Une richesse qui mérite que l’on y revienne prochainement de façon plus large, même si la distribution des films espagnols s’effectue au compte-gouttes - onze titres en 2008 -, les Pyrénées demeurant aussi difficiles à franchir que les Alpes pour les cinéastes italiens.

Un film sur les cinq est sorti en France depuis, 14 kilometros de Gerardo Olivares, dont on ne dira peu, par respect pour le sujet : le voyage clandestin de trois adolescents africains vers l’Europe. En effet, le brouet humanitaire servi avec une louche maladroite dessert le propos - trop de bons sentiments tuent le sentiment. Welcome et Eden à l’Ouest sont passés par là, on peut devenir difficile.

Amanecer de un sueño de Freddy Mas Franquenza est un bel exemple de faux cinéma d’auteur, riche en procédés tire-larmes, efficaces au demeurant puisqu’il a raflé le prix du Public - personne n’est parfait.

En revanche, les trois derniers constituent trois jolies réussites.

Un poco de chocolate de Aitzol Aremaio bénéficie de la présence de Daniel Brühl, mais un autre acteur moins célèbre n’aurait pas coûté au film, qui tient par ses qualités propres : la simplicité des relations, la gentillesse dépourvue de mièvrerie des personnages, l’émotion qui naît de la beauté des détails. Une jeune infirmière dépose des messages amoureux dans une brique, un vieillard veut payer son passage en ferry avec sa carte de la CNT, une éternelle fiancée dédie à son promis, disparu depuis quarante ans, le roman qu’elle écrit dans son bain. Le passé colonise le présent sans réveiller le fantôme de Bergman, la mort rôde et triomphe sans nous attrister.

Nevando voy de Candela Figueira et Maitena Muruzabal est une réjouissante tragicomédie du travail.
L’univers clos d’une petite unité d’empaquetage de chaînes pour pneus est transformée par l’arrivée de deux CDD. Ce n’est rien et c’est beaucoup : les gestes changent, les tensions et les joies se mêlent, l’amour pointe. La vision pessimiste d’un prolétariat non-spécialisé, sans conscience de classe ni révolte n’interdit pas l’espérance. Et Laura de Pedro est une nature, qui évoque irrésistiblement la Penelope Cruz d’il y a quinze ans et qu’on reverra assurément…

Enfin, Cenizas del cielo de José Antonio Quiros rassemble les genres, comédie, tragicomédie et tragédie sociale.
Un village bouffé par la pollution de la centrale thermique voisine, un vieil obstiné qui s’insurge, une famille éclatée où chacun poursuit son rêve, un Écossais vadrouilleur qui se fixe quelques semaines : le film échappe aux stéréotypes, tisse des relations amicalo-amoureuses imprévues et touchantes, refuse l’attendrissement - la mort rôde là aussi, et survient sans pathos. Tout est fluide et plaisant, intelligent et socialement juste. On rêve de comédies populaires françaises de ce niveau.

Lucien Logette
Jeune Cinéma n°324-325, été 2009

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