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Déesse des mouches à feu (la) (2020)
de Anaïs Barbeau-Lavalette
publié le mercredi 10 novembre 2021

par Jean-Max Méjean
Jeune Cinéma en ligne directe

Sélection officielle de la Berlinale 2020

Sortie le mercredi 10 novembre 2021


 


On se souvient du livre à succès de Kai Hermann et Horst Rieck, Moi, Christiane F., 13 ans, droguée, prostituée..., adapté en 1981 par Uli Edel. (1) C’est ce livre que Catherine, dans La Déesse des mouches à feu, reçoit comme cadeau pour ses 16 ans au début du film. Drôle de cadeau, presque incitatif et le reste nous dira pourquoi.


 

Nombreux sont les films sur le sujet, mais peu nombreux en revanche sont ceux qui font mouche aussi bien, sans jeu de mots. Le film de Anaïs Barbeau-Lavalette nous plonge dans un univers coloré, insouciant et terriblement dangereux car mortifère, celui des ados québécois livrés à eux-mêmes par des familles qui se déchirent, et qui s’adonnent aux pires drogues.


 

La réalisatrice parvient à ne donner ni dans la moralisation ni dans le pathos, sans pour autant nous livrer un dossier pour soirées télévisées à thème brûlant. On sent que, après de nombreux films documentaires et trois fictions, elle est en totale harmonie avec les problèmes de ces jeunes punks (l’action se déroule dans les années 80) et sous le choc de la lecture du roman dont elle s’est inspirée (2) et qu’elle avait lu d’une traite et immédiatement décidé d’adapter.


 

Elle avoue y avoir redécouvert sa propre adolescence, de manière très frontale. La Déesse des mouches à feu - autrement dit des lucioles pour qui ne parle pas couramment le joual québécois -, porte bien son titre puisqu’il évoque à la fois la magie de ces insectes qui illuminent la nuit de façon féerique, mais aussi la fragilité des flashs des paradis artificiels.


 

Son film n’est ni un pamphlet, ni, évidemment, un panégyrique, mais simplement la reconstitution des bandes de jeunes qui se croyaient immortels et poètes en absorbant ce nectar prétendument divin. Il faut dire que les années 80 sont à des années-lumière des visions actuelles de la drogue, devenue le plus rapide ascenseur pour atterrir en enfer. Anaïs Barbeau-Lavalette nous propose avec talent des portraits de jeunes gens dont les ailes sont en train de brûler et qui ne voient rien, jusqu’à ce que la mort de l’un d’entre eux les réveille…


 

Tout repose aussi sur l’interprétation des jeunes acteurs, dont Kelly Depeault, qui porte le film en incarnant le rôle principal, mais aussi ses parents à l’écran, Caroline Néron et Normand D’Amour, et tant d’autres dont l’étrange jeune acteur Antoine Desrochers, vu notamment dans Antigone de Sophie Deraspe et chez Xavier Dolan, dans Juste la fin du monde. (3)


 

Ensuite, et ce n’est pas le moindre, le film se termine par l’iconique chanson de Desireless qui résume bien l’esprit des années 80, Voyage Voyage, mais dans une réinterprétation bouleversante par Soap&Skin. Notons que cette chanson, décidément d’actualité, parachève l’ambiance mélancolique de Compartiment n°6 de Juho Kuosmanen. (4)

Jean-Max Méjean
Jeune Cinéma en ligne directe

1. Kai Hermann & Horst Rieck, Wir Kinder vom Bahnhof Zoo, biographie de Christiane Felscherinow, Hambourg, Gruner + Jahr, 1978. Moi, Christiane F., 13 ans, droguée, prostituée..., témoignages recueillis par Kai Hermann & Horst Rieck, traduction de Léa Marcou, Paris, Gallimard, 1983.
Le film, Christiane F. - Wir Kinder vom Bahnhof Zoo de Uli Edel (1981) est sorti immédiatement au printemps 1981 et en 1982 aux USA, dans toute l’Europe, et en Australie. Il a été repris à la télévision en Allemagne en 1986.

2. Geneviève Pettersen, La Déesse des mouches à feu, Montréal, Le Quartanier, 2014.

3. Antigone de Sophie Deraspe (2019), Meilleur film canadien au Festival international du film de Toronto de 2019.
Juste la fin du monde de Xavier Dolan (2016), Sélection officielle en compétition au Festival de Cannes 2016.

4. Compartiment n°6 (Hytti Nro 6) de Juho Kuosmanen (2020).


La Déesse des mouches à feu. Réal : Anaïs Barbeau-Lavalette ; sc : Catherine Léger d’après le roman de Geneviève Pettersen (2014) ; ph : Jonathan Decoste ; mont : Stéphane Lafleur ; mu : Mathieu Charbonneau. Int : Kelly Depeault, Éléonore Loiselle, Marine Johnson, Caroline Néron, Normand D’Amour, Antoine Desrochers (Canada, 2020, 105 mn).



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