Le festival de Mannheim l’annonçait : "Strong-minded women are the centre of the selected films of this year". Les strong-minded women de Mannheim 2010 venaient de tous les pays du monde et étaient toutes épatantes. L’une d’elles a reçu toutes les faveurs du public.
Katarina vit dans une banlieue de Göteborg, petits boulots, copain absent, collègues désabusées et mère alcoolique. Elle survit à son quotidien instable grâce à son MP3 sur les oreilles. Quand elle découvre Mozart par YouTube, sa vie intérieure s’enchante.

Elle parvient à entrer dans le saint des saints, le Konserthuset, et à se faire embaucher comme standardiste. Là, elle découvre d’autres mœurs, un monde où tout lui semble luxe, calme et volupté. Quand l’éblouissant chef d’orchestre lui parle de Kierkegaard, comment pourrait-elle résister ? Quand il l’invite chez lui, pourquoi n’y croirait-elle pas ?

Mais, pas plus que l’amour ou le sexe, la musique n’adoucit les mœurs, ni n’abolit les classes. Au contraire, comme eux, elle les révèle, ainsi que leurs ravins infranchissables. Après la délicieuse traversée de l’illusion, c’est dans la douleur et l’humiliation qu’elle va apprendre l’injustice et l’abus de pouvoir. Dans ce temple de la beauté, pas trace de solidarité, ni de simple reconnaissance, pas l’ombre d’un syndicaliste non plus. Le dur apprentissage va lui révéler la lutte, sa force, une nouvelle conscience.

Le film est d’une grande habileté. Sa narration fluide entraîne les spectateurs les plus avertis dans une sorte de mélo charmant, mais aussi musclé qu’une fable brechtienne.
Lisa Langseth est une femme de théâtre.
En 2006, elle avait réalisé, Godkänd, prix du jury au festival de courts métrages de Göteborg. Elle a tiré Pure d’un de ses monologues, créé en 2004 au Théâtre dramatique royal de Stockholm, avec Naomi Rapace, la Lisbeth Salander de Millenium. La réalisatrice et Alicia Vikander, son actrice, ont été couvertes de récompenses, à Pusan, à Viareggio, à Gand, à Berlin et à Mannheim.

Le film sortira-t-il en France ? En attendant, on pourra aller goûter le théâtre de Lisa Langseth, en avril 2011, à l’Institut suédois de Paris avec Klimax, inspiré des émeutes des banlieues parisienne de 2005, avec cette question : la culture est-elle le dernier bastion de la civilisation, ou n’est-elle qu’un symbole d’oppression de la société traditionnelle ?

Sylvie L Strobel
Jeune Cinéma n°336-337, printemps 2011

Pure (Till det som ä vackert). Réal, sc : Lisa Langseth ; ph : Simon Pramsten ; mu : Per-Erik Winberg ; mont : Malin Lindström ; déc : Lena Selander. Int : Alicia Vikander, Samuel Fröler, Isabella Alveborg, Josephine Bauer, Martin Wallstrëom (Suède, 2009, 98 mn).