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Umberto D. (1951)
de Vittorio De Sica
publié le mercredi 17 novembre 2021

par Nicole Gabriel
Jeune Cinéma en ligne directe

Sélection officielle en compétition au Festival de Cannes 1952.

Sorties le vendredi 10 octobre 1952 et les mercredis 5 janvier 2005, 20 mai 2015 et 17 novembre 2021


 


Après trois films ayant été distingués sur le plan international, les deux premiers oscarisés, le troisième palme d’or à Cannes - Sciuscià (1946), Ladri di biciclette (1948), Miracolo a Milano (1951), Vittorio De Sica et son scénariste Cesare Zavattini sortent, en 1952, Umberto D. Le film ne rapporte pas de trophée et n’a guère de succès en Italie. La politique s’en mêle, Giulio Andreotti allant jusqu’à reprocher au réalisateur "d’avoir rendu un mauvais service à sa patrie". En France, le film suscite également quelques débats parmi la critique, mais le duo Zavattini-De Sica reçoit néanmoins l’appui de André Bazin.


 

La restauration que propose Carlotta (1) de cette belle œuvre en noir et blanc nous fait revivre l’errance d’Umberto D. à travers les rues d’une Rome sans aucun stigmate de la guerre. Les automobiles abondent, les commerces fleurissent, les habitants sont bien vêtus.


 


 

Umberto et son chien Flike. Car le film rend hommage à A Dog’s Life (1918) de Charlie Chaplin, dont il cite au passage plusieurs plans. Sauf que le protagoniste n’est pas un immigrant mu par l’énergie du désespoir, mais un vieux monsieur, fonctionnaire à la retraite à qui sa pension ne permet pas de vivre dignement.


 


 

Pour interpréter cet anti-héros, Vittorio De Sica a choisi un non-acteur, Carlo Battisti, prof de linguistique à l’Université de Florence à l’époque fasciste, comme par hasard. (2) Celui-ci incarne admirablement l’homme déclassé, rongé par la solitude et l’angoisse, qui affronte les coups du sort toujours tiré à quatre épingles. D’où une certaine raideur, un manque d’habileté et une absence totale d’humour qui, loin de faire rire ou même sourire le spectateur, crée de la gêne, sinon un malaise.


 

La scène d’ouverture est une dénonciation politique puisqu’il s’agit d’une manifestation de retraités réclamant une augmentation de leurs revenus. La foule est dispersée fissa par une escouade de policiers loin d’être débonnaires déboulant sur leurs jeeps. Sommés de circuler, tous s’exécutent. Cette scène où la violence physique est latente est filmée en plans très rapprochés sur des visages déformés par la colère. Les autres stations de la passion d’Umberto D. sont faites de refus, de rebuffades, de silences, de fins de non-recevoir à ses requêtes en général et à ses demandes d’aide en particulier. La capitale devient alors une ville autre : hypocrite, bureaucratique, où chacun poursuit un intérêt particulier, où le sordide règne derrière la respectabilité de façade. On est loin de la ville éternelle, vraiment pas dans les Vacances romaines (1953).


 


 


 


 

Les séquences déprimantes s’enchaînent, implacablement, sans les clichés du mélodrame, mis à part une certaine insistance, par endroits, dans la B.O. avec la musique de Alessandro Cicognini. Les plans sont assez longs, le tempo paraît mesuré, la caméra s’attarde sur des détails prosaïques a priori sans rapport direct avec le propos, comme le passage d’un chat sur un toit. L’épisode le plus sombre du récit est la visite au refuge canin où Umberto espère retrouver son chien disparu, et où il comprend que le chenil est aussi le lieu d’extermination possible des animaux non réclamés. Cette scène est filmée avec la précision documentaire dont fait preuve à la même époque Franju dans Le Sang des bêtes (1949). C’est dans son minimalisme que Vittotio De Sica atteint sa cible.

Nicole Gabriel
Jeune Cinéma en ligne directe

1. Chez Carlotta. avec des suppléments de Jean Gili et Jean Baptiste Thoret.

2. Carlo Battisti (1882-1977), professeur de linguistique à l’Université de Florence, fut membre du parti fasciste. Umberto D. fut son seul rôle d’acteur. Outre les nombreux ouvrages de linguistique qu’il a publiés, il a écrit un recueil de souvenirs consacré au tournage du film : Come divenni Umberto D, Rome, Edizioni della Cineteca Scolastica, 1955.


Umberto D. Réal : Vittorio De Sica ; sc : Cesare Zavattini ; ph : G.R. Aldo ; mont : Eraldo Da Roma ; mu : Alessandro Cicognini. Int : Carlo Battisti, Maria-Pia Casilio, Lina Gennari, Memmo Carotenuto, Alberto Albani Barbieri (Italie, 1951, 89 mn).



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