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Empathie (2017)
de Ed Antoja
publié le mercredi 10 novembre 2021

par Anita Lindskog
Jeune Cinéma en ligne directe

Sortie le mercredi 10 novembre 2021


"On n’a pas deux cœurs, un pour les animaux et un pour les humains. On a un cœur ou on n’en a pas". Alphonse de Lamartine.


 

Ce documentaire, fort judicieusement intitulé Empathie, est un véritable plaidoyer pour la cause animale, doublé d’un constat accablant du désastre écologique et social causé par l’élevage industriel animalier intensif. Ce système dans lequel désormais plus de 50% de l’industrie céréalière mondiale (qui pourrait contribuer à éradiquer la famine à l’échelle planétaire) assure la nourriture des animaux d’élevage qui finiront dans les assiettes des consommateurs. Il remplit les poches d’une poignée d’agro-industriels adeptes de la mono-culture, et engraisse une fraction de consommateurs "carnivorisés" au détriment bien souvent de leur santé. Au delà, ce documentaire qui a remporté le "Prix du Public du Greenpeace Film Festival" en 2017, appelle à reconsidérer notre rapport au vivant, au non-humain. Et en effet, l’empathie, cette capacité à ressentir les émotions de quelqu’un d’autre, d’arriver à se mettre à la place d’autrui, d’un autre être vivant, est loin d’être le propre de l’humain.


 


 

L’histoire

Ed, un jeune réalisateur est chargé de réaliser un documentaire pour tenter de changer les mœurs de la société qui portent préjudice aux animaux. Il n’est pas vraiment un ardent défenseur de la cause animale. Ainsi, doit-il chercher à être convaincu pour ensuite parvenir à sensibiliser le public. Le simple processus de documentation, ses échanges avec de nombreux interlocuteurs, ses recherches, la réalisation du documentaire ainsi que la discussion permanente avec Jenny, la collaboratrice de la fondation FAADA (1) qui lui demande de faire ce film, le conduisent à questionner ses doutes et finalement à chercher des réponses pour adopter un mode de vie plus respectueux des animaux. Il finira par remettre en question ses habitudes alimentaires, vestimentaires, les produits qu’il consomme, mais aussi ses loisirs, et entrer en confrontation avec son entourage proche : famille, amis et collègues de travail. Finalement, ce projet transformera - peut être - son mode de vie. En tout cas, il contribuera à une réelle prise de conscience de l’absurdité des choix dominants tant d’ordre culturel, qu’économiques et sociétal.


 


 

Doutez, il en restera toujours quelque chose...

Ed Antoja explique lui même que son documentaire doit permettre à n’importe quel spectateur de se mettre dans la peau du réalisateur (empathie quant tu nous tiens ! ). Pour lui, les doutes sont des facteurs de changements et si le monde se posait plus de questions, nous en ferions un endroit plus agréable à vivre. La diversité des opinions est une grande richesse pour notre société et Ed veut y contribuer en agitant les consciences et en offrant des points de vue qui permettent aux gens de repenser leurs habitudes. Au lieu de montrer des images explicites, ce documentaire fournit des informations permettant à chacun (e) de réfléchir à sa relation aux animaux.


 


 

Une enquête roborative

Dès le début du documentaire, la responsable de la fondation annonce la couleur en précisant que dans la minute où elle parle 180 000 animaux sont morts, "sans compter les poissons", rajoute Jenny. Ni culpabilisant ni extrémiste, puisqu’il part du point de vue d’un "carnivore" peu préoccupé par la condition animale, ce film passe en revue l’ensemble des faits et chiffres concernant les animaux, et pose un bilan. Les échanges, menés tambour battant, avec les divers interlocuteurs rencontrés : chercheur, scientifique, psychologue, médecin, philosophe, chef cuisinier, responsable de refuge animal, et un champion haltérophile végan résidant en Allemagne, sont instructifs. Par des éclairages différents et des approches singulières, ils contribuent à disqualifier les choix d’une industrie agro-alimentaire dont les modes d’élevage entassent les animaux, les forcent à produire toujours plus en multipliant sévices et souffrances pour finalement imposer un mode de vie alimentaire à une espèce humaine qui, par nature, est "omnivore".


 


 

Éthique, santé publique et écologie

La maltraitante animale, notre surconsommation de viande, les abandons d’animaux, les "traditions" telles les corridas en Espagne, les sévices imposés au nom des rituels, ont bien à voir avec notre façon de considérer la vie animale comme inférieure à la nôtre ou encore un moyen de nous rassurer. Cette réflexion éthique, soulevée dans le documentaire, peut expliquer en partie notre capacité à fermer les yeux sur les conditions d’élevage pratiquées au sein des fermes-usines où règnent la sélection génétique, les mutilations forcées, l’entassement, la stabulation, la séparation des nouveaux-nés et de leurs mères, la reproduction artificielle.


 


 


 

On apprend par exemple qu’il y a plus de cochons que d’habitants en Catalogne, et que ces cochons, personne ne les voit du fait de leur confinement. Que se passe-t-il dans les fermes-usines ? Le sujet reste tabou. Les problèmes de santé publique ont le plus contribué à une prise de conscience. Tous les scandales sanitaires à répétition depuis la vache folle dans la décennie 1986-1996, la progression de certaines maladies cardio-vasculaires, de cancers liées à l’alimentation dans les populations ont suscité l’émergence d’une défiance vis à vis de l’industrie agro-alimentaire, et peu à peu les citoyens-consommateurs se montrent plus exigeants. De fait, les normes et contrôles s’intensifient. Parallèlement, les risques élevés de propagation des maladies dans les espaces confinés des fermes-usines soumet les animaux à des doses massives d’antibiotiques, et 50% de la production mondiale d’antibiotiques est destinée aux animaux. Enfin, les conséquences écologiques sont manifestes. Outre la pollution par les gaz à effet de serre, 7 900 litres d’eau sont nécessaires pour obtenir 1kg de protéines carnées. Les fermes-usines polluent les nappent phréatiques en rejetant des nitrates via l’épandage des déjections des animaux en grandes quantités qui finissent dans les cours d’eau.


 


 

Alors, "Vegan or not vegan" ?

Ce film offre une réflexion stimulante sur notre relation à l’animal. Sans jamais montrer d’images choquantes mais en relevant les abus et les aberrations de l’utilisation des animaux dans notre mode de vie, il nous invite à véritablement repenser tout notre rapport à l’environnement et au non-humain. Au spectateur averti et emphatique de faire son choix !

Anita Lindskog
Jeune Cinéma en ligne directe

1. La Fundación para el Asesoramiento y Acción en Defensa de los Animales (FAADA), est une fondation privée, indépendante et à but non lucratif active depuis 2004, dont l’objectif est de promouvoir le respect des animaux dans les sphères sociale, juridique et éducative.


Empathie (Empatía). Réal : Ed Antoja ; ph : Max Larruy ; mont : E.A, Marta Diego, Salva Llobet & David Muñoz ; mu : Marc Barrera.. Avec : Ed Antoja Patrik Baboumian Marc Bekoff Melanie Joy Peter Singer (Espagne, 2017, 75 mn). Documentaire.



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