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Tilo Koto (2019)
de Sophie Bachelier & Valérie Malek
publié le mercredi 15 décembre 2021

par Gisèle Breteau Skira
Jeune Cinéma n°412, décembre 2021

Sortie le mercredi 15 décembre 2021


 


Depuis 1983, la Casamance, une région du sud du Sénégal, lutte pour son indépendance. Yancouba Badji, Casamançais de 42 ans, menacé de mort en Gambie où il travaille comme climaticien, vend son matériel et part sur les routes de l’exil. Son voyage dure un an et demi, il traverse le Mali, le Burkina-Fasso, le Niger et se retrouve en Libye, pays de l’horreur absolue.


 

Ces différents pays traversés sont en guerre et/ou la cible d’attaques terroristes de l’État islamique, sans compter les vols, les tortures, l’esclavage, les viols. Sans compter aussi la configuration géographique et climatique des terres désertiques, difficilement praticables sous les chaleurs extrêmes. Yancouba Badji est parvenu dans le sud de la Tunisie où, par trois fois, il tente de traverser la Méditerranée depuis les côtes libyennes puis, renonce. Alertées par le docteur Mongi directeur du centre Al Hamdi de Médenine en Tunisie, Sophie Bachelier et Valérie Malek prennent contact avec lui.


 

Le film commence ainsi et déroule le récit du voyage de Yancouba, un voyage semé d’obstacles et de souffrances, éloigné des siens et de sa mère qui chante lamentations et prières. Lui est au travail en Tunisie, il peint de grandes fresques, miroir de toutes les atrocités qu’il a connues : silhouettes de femmes enchaînées par le cou les unes aux autres, corps serrés sur les bateaux, images de foules contraintes aux regards apeurés.


 

Autant de sujets peints avec la liberté que possèdent les artistes non pas naïfs mais "inspirés", car les sujets sont bien réels, vécus et représentés dans le dépouillement et la profondeur nécessaires à l’expression de leur vérité. Regards et corps entassés dans des environnements hostiles, périlleux, dramatiques. L’une de ces fresques est habitée de personnages allongés côte à côte, l’ensemble est peint de rouge, de plusieurs rouges, rouge feu, rouge sang, en étendard de la douleur et du crime.


 

Comment comprendre que Yancouba ait décidé de quitter la Gambie où il était établi et travaillait depuis dix-sept ans ? Comment comprendre qu’il ait pu prendre de tels risques, quatre mois seulement avant l’arrivée au pouvoir de Adama Barrow, membre du Parti démocratique unifié qui a succédé à la dictature de Yahya Jammeh ? Comment comprendre que tant de jeunes prennent les routes de l’exil, sans connaissance de ce qu’il se passe dans les pays traversés aux régimes plus autoritaires et répressifs que ceux qu’ils quittent, sans avoir aucune information sur la folie de tels périples ? C’est un peu le message de ce film, un plaidoyer pour la raison, pour la lutte dans l’action et l’opposition, comme le combat de Yancouba à travers ses tableaux.

Gisèle Breteau Skira
Jeune Cinéma n°412, décembre 2021


Tilo Koto. Réal, sc : Sophie Bachelier & Valérie Malek ; ph : Sophie Bachelier ; mont : Elif Uluengin ; mu : Éric Neveux (France, 2019, 67 mn). Documentaire.



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