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Des lendemains qui chantent (2013)
de Nicolas Castro
publié le mercredi 13 janvier 2021

par Lucien Logette

Jeune Cinéma n°402-403, octobre 2020

Sortie le mercredi 20 août 2014


 


Oublié, Nicolas Castro ? Pas encore : son film est sorti il y a tout juste six ans, il a recueilli presque cent mille spectateurs, certains parmi eux doivent encore s’en souvenir. Méconnu, certainement. Après ce long métrage, son auteur n’a plus tourné que pour la télévision (comme il le faisait depuis 2005), ce qui n’est pas le meilleur moyen pour se faire un nom. Le film n’est pas "génial" (mais quel film l’est aujourd’hui ?), il ne restera pas comme l’image iconique d’une génération (mais combien le sont ?). En revanche, la justesse de sa reconstitution des dernières décennies du dernier siècle est d’autant plus étonnante que son réalisateur n’a connu qu’en partie la période qu’il décrit : il n’avait que 8 ans en mai 1981, lorsque l’histoire commence, et s’il appartient à une génération, c’est celle de la toute fin des années Mitterrand, pas vraiment enthousiasmantes.


 


 

Nicolas Castro n’est pas le premier à tenter le voyage. Jacques Fansten, dans États d’âme (1986), avait voulu d’abord fixer un moment, l’émotion du 10 mai 1968 chez quelques trentenaires, tandis que Olivier Ducastel & Jacques Martineau, dans Nés en 68 (2008), avaient tenté, fatale erreur, d’embrasser quarante ans d’Histoire.
Il n’empêche qu’il s’est très bien sorti de la difficulté de récréer une époque, qui ne tient pas seulement à des décors, des voitures et des vêtements démodés, mais à des comportements et à un langage. Il s’était fait la main avec un court métrage, Je n’ai pas changé (2010), bonne préfiguration du propos du long : comment, entre mai 1981 et mai 2002, la part de rêve s’est effilochée, et pourquoi.


 

Le parcours, au fil de deux décennies, de ces trois amis stéphanois, militants socialistes (mais si, il y en a eu), est sans surprises. On sait déjà que l’émerveillement initial fera long feu, que le socialisme rêvé sera aussi lointain que le "socialisme réel" soviétique et que chacun devra s’adapter - ou non, c’est là le drame. Le journaliste (Pio Marmaï) dur et pur découvrira que la presse, du même alliage à l’origine va devenir nettement plus ductile, afin de s’offrir aux groupes capitalistes en quête de danseuses. Son frère (Gaspard Proust) va trouver dans la "com", un terrain d’exercice favorable à sa soumission opportuniste (il faut bien vivre) et prospèrera, au moins provisoirement - diriger la campagne de Lionel Jospin en 2002 n’était pas un bon plan. L’ami (Ramzy Bedia) saura surfer sur les vagues du commerce marginal, Minitel rose et Ulla 36.15.


 

Les accompagne dans leurs itinéraires Laetitia Casta, déjà héroïne de Nés en 68, militante dont les deux frères sont amoureux et qui, grâce à son intelligence (et à sa beauté) a l’oreille du président. Tout se terminera au mieux, du moins sur le chapitre sentimental, le finale réunissant les deux héros que l’époque aura laissés à peu près intacts, Pio et Laetitia.


 


 

Le plus difficile était d’échapper aux schémas et aux situations conventionnelles. Nicolas Castro y parvient le plus souvent, bien aidés par ses interprètes, Gaspard Proust est un cran en dessous. Il faut dire que son personnage ne peut guère éviter les clichés, le métier de communicant portant déjà sa propre caricature. Évoquer le souvenir de Ettore Scola et de Nous nous sommes tant aimés est peut-être un peu lourd. Mais pas celui de Marco Tullio Giordana et de Nos meilleures années, la dimension tragique des brigadistes en moins évidemment - la société française n’étant propice qu’aux drames petits-bourgeois. Les références sont de bon aloi. (1)

Lucien Logette
Jeune Cinéma n°402-403, octobre 2020

* DVD : Nicolas Castro, Des lendemains qui chantent, combo DVD+Blu-ray, L’Avant-Scène Cinéma.

1. Nous nous sommes tant aimés (C’eravamo tanto amati) de Ettore Scola (1974).
Nos meilleures années (La Meglio gioventù) de Marco Tullio Giordana (2003) est un téléfilm de 6 heures sur l’histoire de l’Italie des années 1960. Prix Un certain regard au Festival de Cannes 2003.


Des lendemains qui chantent. Réal, sc : Nicolas Castro ; ph : Pierre Aïm
mont : Antoine Vareille & Sylvie Landra ; mu : Jeanne Cherhal. Int : • Pio Marmaï, Laetitia Casta, Ramzy Bedia, Gaspard Proust, André Dussollier, Hédi Tillette de Clermont-Tonnerre, Louis-Do de Lencquesaing, Anne Brochet, Alix Bénézech, Sam Karmann, Noémie Merlant, Farida Rahouadj, Jean-Michel Lahmi (France, 2013, 94 mn).



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