Enfant, un dimanche après-midi, j’ai vu The Window à la télévision. Cette histoire d’enfant mythomane poursuivi par un tueur m’a terrorisé, sans doute par son côté hitchcockien même si, à 10 ans, je ne connaissais pas le maître du suspense. J’ai été fasciné par son atmosphère étouffante dans un magnifique noir & blanc, illustrant la solitude à New York, les tristesses et les angoisses de l’enfance, et la mort toujours aux aguets dans l’esprit d’un gamin qui, comme moi, faisait toutes les nuits des cauchemars.

Et puis j’ai remisé le souvenir de cet enfant réfugié sur des poutres en équilibre, sensation abominable qui est sans doute la cause de mon vertigo. Étudiant en philosophie et cinéma à Montpellier, je lis un jour par hasard dans Charlie Hebdo que Delfeil de Ton recommande aux lecteurs de voir au plus vite ce film qui passe dans une salle du Quartier Latin, et qui raconte cette incroyable histoire d’un enfant mythomane menacé de mort pour avoir dénoncé un crime.

Même si l’article ne donnait ni le titre, ni l’auteur, ce film angoissant était revenu me hanter. J’ai failli prendre le train de nuit. Je téléphone à Jean-Louis Bory, absent ce jour-là, puis je pense tout à coup à Henri Agel, alors mon professeur de cinéma à Montpellier. Je sonne à sa porte et suis éberlué lorsqu’il devine tout de suite le titre, à peine le début raconté. Ce coup-ci, je ne l’oublierai plus jamais.

Je n’ai pas vu d’autres films de Ted Tetzlaff, mais j’ai commandé il y a trois ans le DVD par Internet. Je l’ai revu plusieurs fois, je l’ai passé à mes élèves. Bien sûr, il ne me fait plus aussi peur, j’y découvre même certaines failles ou maladresses, mais il n’en demeure pas moins l’un de mes films de référence, parce qu’il a représenté pour moi une sorte de thérapie inconsciente.

Jean-Max Méjean
Jeune Cinéma n°361-362, automne 2014

Une incroyable histoire (The Window). Réal : Ted Tetzlaff ; sc : Mel Dinelli ; ph : Robert De Grasse & William O. Steiner ; mont : Frederic Knudtson ; mu : Roy Webb ; déc : Darrell Silvera. Int : Bobby Driscoll, Arthur Kennedy, Barbara Hale, Paul Stewart, Ruth Roman, Richard Benedict (USA, 1949, 73 mn).