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Hallelujah les collines (1963)
de Adolfas Mekas
publié le dimanche 17 janvier 2016

par Bernard Nave
Jeune Cinéma n°361-362, automne 2014

Sélection de la Semaine de la critique au Festival de Cannes 1963
Sélection officielle du Festival de Locarno 1963

Inédit en salle en France


 

Pour saluer son cinquantenaire, Jeune Cinéma a posé une question à ses collaborateurs : Quel film des cent dernières années aimeriez-vous sortir de l’ombre ?
Ce film fait partie des hidden gem (re)découverts à cette occasion.


Je n’aime pas trop l’expression "film-culte" qui renvoie à une relation religieuse, voire mystique. Le film de Adolfas Mékas est tout sauf objet d’adoration. Il est bien sûr nimbé de la magie du souvenir tant il est difficile à revoir sur grand écran. Souvenir d’une première vision dans les années 60 en ciné-club universitaire à Lyon. Éblouissement devant une telle liberté, bien au-delà des nouvelles vagues trop conscientes d‘elles-mêmes.


 


 


 

À partir d’un scénario loufoque : deux amoureux sont éconduits par la belle Vera qui, lasse de les attendre, finit par épouser l’horrible Gédéon. Ils la fantasment à travers leurs souvenirs et l’imaginent avec l’usurpateur. On aborde au rivage surréaliste de l’imaginaire débridé. Chaque séquence offre son lot de surprises joyeuses. Quelques-unes survivent au passage du temps et à l’oubli, comme Jack courant nu dans les neiges du Vermont, les caractères japonais mystérieux qui montent lentement le long du bord droit de l’écran, l’arbre à femmes.


 


 

Adolfas Mekas se souvient de sa Lituanie natale (1) dans la façon d’inscrire cette histoire dans la chaleur de l’été et la blancheur de l’hiver, dans une façon d’incarner les personnages dans une nature qu’on dirait vierge, hors du temps si ce n’est qu’à la fin surgissent deux forçats.


 

Le film date de 1963. Il est forcément de son temps, ce temps où se mettent en place les ferments des grands chambardements à venir. Il n’est pas politique et pourtant il bouscule allègrement la bien-pensance du temps. Underground, il l’est, car réalisé en marge de toute contrainte. Sans en avoir pleinement conscience, il lorgne du côté du burlesque de Buster Keaton, il évoque certains aspects de À travers l’orage (Way Down East) de D.W. Griffith (1920).


 

Mais c’est aussi un film sans postérité, unique et d’autant plus précieux. Un éditeur courageux avait sorti une version VHS qui est toujours restés sur un rayon. Il me reste à guetter les rares projections en salle pour éprouver, avec un public renouvelé, l’éternelle jeunesse de Hallelujah les collines.

Bernard Nave
Jeune Cinéma n°361-362, automne 2014

1. Hallelujah the Hills est le premier film de Adolfas Mekas (1925-2011).
On a tendance à l’associer à son frère Jonas Mekas (1922-2019). Ils n’ont travaillé ensemble que pour The Brig (1964), réalisé par Jonas Mekas & Judith Malina, dont Adolfas Mekas a fait le montage, et pour Reminiscences of a Journey to Lithuania de Jonas Mekas (1972), où il a été directeur de la photo.


Hallelujah les collines (Hallelujah the Hills). Réal, sc : Adolfas Mekas ; ph : Ed Emshwiller ; mont : A.M. & Louis Brigante ; mu : Meyer Kupferman ; cost : Barbara Stone. Int : Taylor Mead, Peter H. Beard, Marty Greenbaum, Sheila Finn, Peggy Steffans, Jerome Raphael, Blanche Dee, Jerome Hill, Ed Emshwiller (USA, 1963, 82 mn).



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