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Adieu Paris (2021)
de Édouard Baer
publié le mercredi 26 janvier 2022

par Lucien Logette
Jeune Cinéma en ligne directe

Sortie le mercredi 26 janvier 2022


 


En choisissant comme décor La Closerie des lilas, vénérable repaire des intellectuels parisiens depuis plus d’un siècle, Édouard Baer situe immédiatement les héros de son petit théâtre - car même s’il s’agit d’un scénario original, le film est construit comme une pièce à huis clos, avec un prologue, deux actes et un épilogue : on est dans l’entre-soi, écrivains, polémistes, théâtreux, plasticiens, tous compagnons de jeunesse, tous "arrivés", même si pas tous au même degré de notoriété. Ce qui justifiera, sous les apparences de l’amitié la plus fidèle et de la connivence la plus affichée, les aigreurs qui remontent, les cicatrices d’amour-propre mal refermées, les non-dits et les déballages tardifs.


 


 

Sept convives, au minimum septuagénaires - en réalité huit, mais ce huitième ne viendra pas (un Depardieu impérial, à qui il suffit de quatre courtes scènes pour que son absence pèse sur tout le film) - qui se réunissent une fois l’an pour faire le point, vérifier leur état, le nombre de médicaments qu’ils doivent avaler, évoquer leur bon vieux temps et les salves d’avenir qu’il leur reste à tirer.


 


 

On sent le danger de l’exercice pour l’auteur : verser dans la caractérisation forcément schématique - 96 minutes, c’est court pour tracer huit portraits fouillés -, ou le film à clés, invitant à mettre des noms réels sur les personnages. Autre danger, l’aspect "Mes meilleurs copains" en période pré-Ehpad, entre arthrose et Alzheimer, rien de très alléchant. En définitive, tous ces dangers sont écartés. Car Édouard Baer, acteur lui-même et remarquable, aime ses marionnettes et a su les diriger sur le fil. On se trouve devant un festival de comédiens en liberté, si justes et vrais qu’ils donnent l’impression d’improviser, alors que les dialogues sont réglés au millimètre.


 


 

Du psychodrame initial - Benoît Poelvoorde exclu du cénacle et qui devra observer les ripailleurs depuis le comptoir, consolé par Jean-François Stévenin en patron de La Closerie - au psychodrame final (on n’en dira rien), entre les propos vipérins de Daniel Prévost, la philosophie désabusée de Jackie Berroyer, le cabotinage de Pierre Arditi, et les minables tentatives de séduction de Bernard Le Coq, les règlements de comptes feutrés et l’esquive devant l’addition, on perçoit le plaisir qu’ont eu tous ces acteurs, qui n’ont plus rien à prouver, à se glisser chacun dans le costume que le réalisateur leur a taillé. Sans que jamais le brio de l’exercice prenne le pas sur la dimension humaine. Ils sont tous attachants et pitoyables, ridicules (un peu) et grandioses (parfois).


 

Société close, dans laquelle les femmes ne sont pas conviées, avec cependant trois beaux personnages furtifs, Isabelle Nanty, cachée derrière les buis de la terrasse, tentant de réconforter de loin son mari Benoît Poelvoorde, qu’elle sait fragile sous ses effets de plastron, Ludivine Sagnier cornaquant gentiment son père Gérard Depardieu, las et mutique, et Léa Drucker, assistante de vie attentionnée d’un Jackie Berroyer en fin de parcours. Si la parité n’est pas respectée, la balance de la sympathie penche fortement de ce côté. On n’en attendait pas moins de la part de Édouard Baer, acteur impeccable et réalisateur élégant.

Lucien Logette
Jeune Cinéma en ligne directe


Adieu Paris. Réal, sc : Édouard Baer ; ph : Alexis Kavyrchine ; mont : Fabrice Rouaud ; mu : Gérard Daguerre. Int : Pierre Arditi, Édouard Baer, Jackie Berroyer, Gérard Daguerre, François Damiens, Gérard Depardieu, Léa Drucker, Bernard Le Coq, Bernard Murat, Isabelle Nanty, Yoshi Oida, Daniel Prévost, Ludivine Sagnier, Jean-François Stévenin (France, 2021, 96 mn).



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