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Jusqu’à la mer (2019)
de Marco Gastine
publié le mercredi 26 janvier 2022

par Claudine Castel
Jeune Cinéma en ligne directe

Sélection officielle du Festival de Thessalonique 2019

Sortie le mercredi 26 janvier 2022


 


En courant jusqu’à la mer pour plonger, Grigoris s’est blessé : lésions, paraplégie. Marco Gastine nous emmène à sa suite dans le département de médecine physique et de réadaptation d’un hôpital public spécialisé d’Athènes, le KAT (1).


 


 

De jeunes hommes gravement accidentés, soutenus par l’équipe médicale et leur famille, luttent pour réapprendre les gestes élémentaires et recouvrer leur autonomie. Ils partagent la même chambre. On les cerne et les découvre, un à un, filmés à la juste distance quand ils déploient des efforts titanesques pour tenir sur leurs pieds, marcher pas à pas.


 


 


 

Le psychologue Théodoros leur expose les différents stades qu’ils traverseront, du déni à l’acceptation. Rien ne sera plus comme avant. Lors de ces séances, Grigoris le jeune étudiant en économie révèle une lucidité et une réflexion étonnantes sur l’accident qui l’a frappé, qui forcent le respect. Stavros invoque sa foi et les miracles pour s’abîmer dans le déni. Ce dilemme existentiel entre fol espoir et acceptation est apparu au réalisateur comme le fil conducteur de son film, avec la volonté d’adopter le point de vue du malade.


 


 

En contrechamp, on assiste aux réunions de travail de l’équipe médicale, attentive à l’évolution des patients. Lors de sa visite quotidienne, Leftéris Bakas, le médecin chef, fait preuve d’une empathie consolatrice, d’une énergie joyeuse et contagieuse. Son départ en retraite, fêté en chansons avec des amis musiciens, est le moment de déclarer à son équipe qu’elle est exemplaire en dépit du manque de moyens. (2)


 


 

Les familles, mères, sœurs et épouses sont omniprésentes Elles suppléent les carences de l’hôpital grec et sont aussi sollicitées pour participer activement au programme de réadaptation, ce qui ne va pas toujours sans difficulté quand la mère d’un malade est certaine qu’il n’est point de salut sans balnéothérapie.


 


 

L’alternance du jour et de la nuit en plan extérieur donne la mesure du temps entre Noël et le samedi de Pâques. Il y a une vie après l’hôpital, Grigoris reçoit son diplôme universitaire ; Stavros a quitté le KAT et va dans un centre de rééducation privée, sa tristesse en dit long sur ses illusions perdues (3). Le parti pris d’une écriture "dorique" (sans fioriture), invisible, et le sens aigu de l’observation laissent un espace au spectateur pour saisir ce qui se joue chez les protagonistes et entre eux. Au demeurant, une belle leçon d’énergie, d’optimisme et de solidarité. La chanson À la mer /Μέσα στη θάλασσα de Iannis Angelakas résonne à la fin de ce beau documentaire que Marco Gastine dédie "À ma sœur, à tous ceux qui jamais ne désespèrent, un jour, d’atteindre la mer". (4)

Claudine Castel
Jeune Cinéma en ligne directe

1. Le KAT (Centre de rétablissement des accidentés) est l’hôpital de référence en matière d’orthopédie et de traumatologie. Crée en 1949 par la reine Frederika de Hanovre (de sinistre mémoire) pour traiter les victimes royalistes de la guerre civile (1946-1949), il a accueilli les victimes des séismes des années 50. Le département de médecine physique et de réadaptation s’est développé sous l’instigation du Dr Leftéris Bakas. Il fonctionne selon une approche holistique et accueille en stage les jeunes médecins et le personnel soignant spécialisé.

2. Les équipements sont vétustes et insuffisants, aucun lit supplémentaire n’a été alloué depuis 20 ans, et aucun médecin, infirmier, thérapeute quittant le service n’a été remplacé.

3. Marco Gastine a pris le temps de répondre par mail aux questions : "Il ira chercher ailleurs, dans un des nombreux centres de rééducation privés où l’on caresse les patients dans le sens du poil en les laissant croire à l’impossible, pour s’en faire des clients".

4. À la mer /Μέσα στη θάλασσα de Iannis Angelakas.


Jusqu’à la mer (Μέχρι τη θάλασσα / Mechri ti Thalassa). Réal : Marco Gastine ; ph : Giannis Misouridis ; mont : Chronis Theocharis ; mu : Nicos Veliotis ; son : Antonis Samaras, Aris Kafentzis et Tasos Gkikas (France-Grèce, 2019, 108 mn). Documentaire.



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