Annecy italien 2004 II
publié le mardi 6 janvier 2015

Annecy italien 2004, 29 septembre-5 octobre 2003, 22e édition

par Andrée Tournès
Jeune Cinéma n°294 janvier 2005

Le denier film de Roberto Ando, Le Prix du désir (Sotto falso nome), est décevant pour qui avait estimé et aimé Le Manuscrit du prince.
Le thème est celui de la culpabilité liée à un passé enfoui. Le suspense reste tout intérieur : quel est le secret que Daniel Boltanski cache sous son faux nom d’écrivain ?
Les trois protagonistes sont des acteurs de haut vol, Daniel Auteuil, l’écrivain, Greta Scacchi sa femme et surtout Michael Lonsdale en éditeur. Servant de cache au drame intérieur, se développe une passion amoureuse folle de la part de l’écrivain pour une jeune femme rencontrée en voyage. Tous ces atouts sont gâchés par la nullité des deux jeunes héroïnes, la fille aimée et sa compagne et complice, personnages et actrices sans consistance ni métier, prétexte à des scènes répétitives et interchangeables. Une seule séquence, celle de la conférence de presse inaugurale convoquée par l’éditeur rappelle le talent de l’auteur. Tout excelle, et la mise en route du récit, et l’annonce d’une énigme et dans l’immédiat, la parfaite organisation de l’espace où se donne la comédie sociale, toute faite de théâtre et d’esquive du petit monde de l’édition.

Radiowest, d’Alessandro Valori, est un film curieux auquel a collaboré Marco Bellocchio en tant que scénariste.
L’action est située au Kosovo, où une patrouille italienne, en mission dite humanitaire est chargée de rafler des civils albanais dans un camp de rassemblement. Un soldat craque et se fait renvoyer au pays ; un autre, sans états d’âme, obéit aux ordres et méprise tant les Serbes que les Albanais ; un troisième anime, sur son émetteur portatif, une radio, Radiowest, où il chante et raconte des blagues pour oublier les moments de guerre.
Le propos bascule quand, séparés de leurs chefs, ils se retrouvent dans un contexte incompréhensible où rien de ce qu’on voit n’est sûr, où l’on ignore l’identité de qui peut être serbe ou non, où un service reçu se révèle un piège. Le film reste un peu systématique dans la caractérisation des quatre camarades, le détraqué, le raciste, le suiviste et le joyeux drille.

Agata et la tempesta, le dernier film de Silvio Soldini, est jubilatoire.
On y retrouve Licia Maglietta, encore plus belle, plus émouvante, plus sensuelle que dans Les Acrobates et Pane e tulipani, mais pour la première fois investie de pouvoirs fantastiques : lorsqu’elle est survoltée, elle fait exploser tout appareil électrique, ampoules, phares, feux de croisement.
On retrouve les personnages en crise des films précédents bien plantés dans le traintrain du quotidien et qui soudain plaquent tout, partent en voyage puis reviennent à la case départ, dans un mouvement en spirale. Tout est démultiplié : Agata décroche, mais entraîne avec elle sa collègue, Gustavo, son frère adoré et son petit-neveu, timide, silencieux mais champion d’équilibre sur bicyclette immobile.
Le va-et-vient oppose Turin et Bologne, la verticale et l’horizontale, une librairie et un atelier de nippes, des intellos et des débrayés, le mince Gustavo et l’énorme fripier et sa communauté disparate. Si le monde d’Agata explose à son passage, le domaine du fripier est aimanté ; non seulement Gustavo l’architecte plaque son projet de vélodromes en Suède pour y créer un ensemble utopique où chacun trouverait le bonheur et la survie, mais une belle Suédoise s’y installe, et l’enfant y déniche un grand-père.
Et c’est là que le film s’envole, tout s’entrecroise, se répond, se dédouble, Plaute et ses jumeaux, Molière et les amants capturés par les Sarrazins, avec les croix de ma mère des romans du 19e siècle qui révèlent le secret de la naissance.
On dirait que Soldini jette en l’air un jeu de cartes et selon leur retombée, leur attribue une histoire. Agata et la tempête est une comédie burlesque, où il est question d’accidents et de blessures, d’une mort déconcertante, et du pouvoir des livres. Tout y surprend et pétille, comme les ampoules à l’approche de Licia Maglietta.

Andrée Tournès
Jeune Cinéma n°294 janvier 2005

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