José Duarte n’est pas notre lecteur le plus vieux, mais c’est assurément un des plus anciens et des plus fidèle, puisqu’il est abonné à Jeune Cinéma, depuis le premier numéro, en septembre 1964.
Dans cette escouade héroïque des compagnons de la première heure, il est le seul abonné étranger, et il est portugais.
Quand j’ai connu Jeune Cinéma, j’avais 26 ans d’âge chronologique.
La résistance à la dictature qui se vivait dans mon pays ainsi que mon emploi dans la Compagnie aérienne nationale (TAP) ont joué un grand rôle dans ma formation culturelle.
D’une part, la Résistance. L’opposition antifasciste, qui a duré jusqu’à la révolution libératrice du peuple portugais et des ex-colonies africaines, n’est arrivée qu’en avril 1974.
D’autre part, grâce aux billets d’avion "offerts" par la TAP, j’ai commencé à visiter Paris. L’occasion, pour moi d’aller au cinéma, d’écouter du jazz, d’apprécier des peintures, d’acheter des livres et, bien entendu, de découvrir des noms illustres tels que : Eisenstein, Buñuel, Bud Powell, Dexter Gordon, Picasso, Braque, Maspero, etc., sans citer d’autres auteurs et lieux qui étaient strictement interdits à cette époque et dont l’existence devait rester ignorée au Portugal.
Entre temps, il me venait depuis la fin des années cinquante, la passion et l’étude du jazz que je n’ai, jusqu’à présent, pas abandonnée, tout comme dans le cinéma, des ciné-club portugais (autre activité de la Résistance), et de la lecture des magazines, tels que Cinéma 61 et ceux des années suivantes, Positif et, cependant moins, Les Cahiers du cinéma.
D’ailleurs, ma génération a été très marquée par la culture française. De cette culture, se détachent au cinéma portugais des réalisateurs tels que Fernando Lopes, José Fonseca et Costa, João César Monteiro et António Pedro Vasconcelos, d’autres encore.
C’est bien entendu à Paris que j’ai connu la revue Jeune Cinéma, à laquelle je me suis abonné dès la sortie de son premier numéro.
J’ai toujours apprécié son format et sa quantité équilibrée de pages, son utilisation exclusive du noir et blanc, son absence de publicité, son critère de choix des films, des réalisateurs et de la divulgation des productions cinématographiques malheureusement moins connues.
Je sais, de par ma pratique en ce qui concerne la divulgation du jazz au Portugal, combien cela est onéreux et les difficultés inhérentes que cela représente. Je le sais parce que j’ai commencé et j’ai arrêté la publication de quelques magazines portugais de jazz semblables à Jeune Cinéma qui n’ont duré chacun qu’environ six numéros.
Quarante ans après, au Portugal, Jeune Cinéma est toujours un magazine très utile, non seulement, parce que l’information cinématographique est ici déficiente et rare, mais aussi parce que la production et l’exhibition des films nord-américains dominent de façon scandaleuse le marché, malgré une lutte sporadique et rare en faveur d’autres films, qui s’adressent malheureusement à une minorité.
J’ai conscience que cette lutte existe aussi pour le jazz.
Cinéma et jazz, deux arts du siècle dernier et qui, finalement, ne se sont jamais bien compris. Son et légende de l’image...
Félicitations, aussi, pour cette publication si opportune et si nécessaire des Index complets, si utiles à ceux qui veulent consulter presque trois centaines de revues qui, reliées par année, sont rangées chez moi sur une étagère du couloir ; le volume de 1964 se trouve à côté du livre Le Langage cinématographique de Marcel Martin (1961), suivi de Le Cinéma italien de Carlo Lizzani (1955), avec une préface de Georges Sadoul et des quatre volumes de Qu’est-ce que le Cinéma ? de André Bazin (1961), parmi d’autres livres précieux.
José Duarte
Jeune Cinéma n° 291, septembre-octobre 2004