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Innocents (les) (2021)
de Eskil Vogt
publié le mercredi 9 février 2022

par Jean-Max Méjean
Jeune Cinéma n°413-414, février 2022

Sélection officielle Un certain regard au Festival de Cannes 2021

Sortie le mercredi 9 février 2022


 


Après son travail de scénariste pour Joachim Trier, et son premier film, Blind : un rêve éveillé révélé à Sundance et à la Berlinale (1), Eskil Vogt revient avec un second long métrage terrifiant. Le "vert paradis" cher à Baudelaire marche un peu de guingois et l’on sort de ce film, à la lisière du monstrueux, assez amoché.


 

Un jeune couple emménage dans un immeuble à la lisière d’une forêt, en Norvège. Rien là d’inhabituel, paraît-il. Le couple a deux filles, dont la plus âgée est atteinte d’un genre d’autisme régressif qui la rend vulnérable. La mère s’en occupe alors que la plus jeune rechigne à l’accompagner lorsqu’elle part jouer au bas de leur immeuble. Jusqu’au jour où elle rencontre d’autres enfants, dont un petit garçon qui semble posséder d’étranges pouvoirs. Le film bascule alors de la description quasi sociologique d’un couple petit-bourgeois sans histoire à celle d’une inquiétante étrangeté bien huilée qui va crescendo.


 


 

Il faut dire que le réalisateur possède un don particulier pour distiller l’inquiétude et, surtout, observer le petit monde des enfants, pas si tranquille et innocent qu’il y paraît. D’où le titre du film, certainement une antiphrase. En effet, ces futurs adultes sont-ils finalement aussi innocents que ça ?


 


 

Le réalisateur a remarqué que les enfants ont une attitude différente lorsqu’ils se savent regardés : "Lorsque je viens chercher mes enfants à l’école et qu’ils ne m’ont pas encore vu, ils sont très différents, ils ont une vie secrète". Et il a bien su capter cette différence en décrivant un petit groupe de quatre enfants qui vivent à la fois protégés dans leur famille protectrice et fragiles lorsqu’ils expérimentent au dehors des jeux qui peuvent être dangereux.


 


 

Le film génère une angoisse sourde sans jamais donner les éléments d’interprétation, si bien qu’on ne saura jamais exactement de quoi il retourne, notamment et surtout avec les supposés pouvoirs que le jeune garçon transmet aux autres enfants, et la réceptivité de la jeune autiste au paroxysme de la sensibilité.


 


 

L’enfance n’est pas une époque toujours heureuse, elle peut être effrayée devant l’inconnu. Les Innocents retranscrit précisément ces sensations de peurs enfantines, allant même jusqu’à casser les codes de l’enfance comme havre de paix et de gentillesse. On sait depuis Freud, et même auparavant, que l’enfant est cruel, voire parfois criminel envers les animaux sur lesquels il exprime sa volonté de puissance.
Avec ses images d’une grande froideur, le film est aussi inquiétant que ses prédécesseurs qui ont marqué nos esprits, L’Esprit de la Ruche de Victor Erice (1973) ou Ponette de Jacques Doillon (1996). Il dérange, de façon délibérée. "Mais ce qui me satisferait le plus, c’est que, après la projection, les spectateurs parlent de leurs expériences d’enfant, de leur conscience ancienne du bien et du mal. J’aimerais que le film ravive les souvenirs enfouis".

Jean-Max Méjean
Jeune Cinéma n°413-414, février 2022

1. Blind de Eskil Vogt (2014) est sorti en France en 2015.


Les Innocents (De uskyldige). Réal, sc : Eskil Vogt ; ph : Sturla Brandt Grovlen ; mont : Jens Christian Fodstad ; mu : Pessi Levanto. Int : Rakel Lenora Flottum, Alva Brynsmo Ramstad, Sam Ashraf (Norvège, 2021, 117 mn).



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