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Wilms, André (1947-2022)
Brève
publié le vendredi 11 février 2022

Jeune Cinéma en ligne directe
Journal de Shi-Wei 2022 (vendredi 11 février 2022).


 


Vendredi 11 février 2021

 

André Wilms (1947-2022) est mort mercredi 9 février 2022.


 

Dans les médias, les actrices sont "égéries" ou "muses" de tel ou tel réalisateur. Voilà que les acteurs aussi : André Wilms, lui, est "fétiche" de Aki Kaurismäki. Il y a un précédent, Philippe Noiret était "acteur fétiche" de Bertrand Tavernier. Les cinéastes femmes n’ont ni égérie, ni muse, va falloir inventer des masculins à ces deux mots, les temps changent, pour fétiche, plus neutre, il faudrait vérifier bien sûr.
Quoiqu’il en soit, on peut faire des films sans acteurs et sans actrices. Mais, dès lors qu’ils sont là, réduire leur rôle à celui d’intermédiaire de l’inspiration divine (des mâles), ou à celui de porte-bonheur (pour mâles), c’est plus que paresseux, c’est plus que honteusement injuste. Cela témoigne d’une méconnaissance délibérée de ces mille alchimies qui surgissent entre des artistes qui travaillent ensemble. Et c’est énervant.


 

Si André Wilms est mal connu par le "grand public", c’est qu’il était avant tout un comédien de théâtre, qui plus est de ce théâtre subventionné issu de la Décentralisation, qui continue à être un art élitiste, où sont privilégiés les grands textes. Alors même qu’après quelque apocalypse qui adviendrait, le théâtre serait le 1er art possible des survivants, il est de plus en plus loin du monde moderne branché, et cela d’autant plus qu’il est éphémère, et laisse encore peu de traces sur Internet, même quand il y a eu des captations de représentations.

Grâce à l’INA, on peut quand même voir et entendre André Wilms s’entretenir avec Georges Banu, en 2011. Cinq chapitres passionnants où il se raconte, lui-même et les autres, notamment Heiner Müller, en balayant son propre parcours, théâtre et cinéma.


 

André Wilms est né à Strasbourg juste après la Seconde guerre mondiale, où on parlait allemand, au cœur de l’Europe en mouvement. À partir de 1975, quand il a rencontré le grand Klaus Michael Grüber (1941-2008) qui l’a engagé pour son mémorable Faust/Salpétrière d’après Goethe à la Chapelle Saint-Louis de la Salpêtrière, le théâtre, pour lui, est devenu une évidence.
Il a alors joué avec les plus grands metteurs en scène, principalement du côté du mythique Théâtre national de Strasbourg (TNS), Jean-Pierre Vincent (1942-2020), Jacques Lassalle (1936-2018), André Engel (né en 1946), Michel Deutsch (né en 1948)... Mais aussi avec Antoine Vitez (1930-1990), Bernard Sobel (né en 1936), Georges Lavaudant (né en 1947).


 

Le cinéma est arrivé un peu plus tard dans sa vie. Il a par exemple joué dans L’Allemagne en automne (Deutschland im Herbst, 1978), ce film collectif qui fit date, dans le courant du nouveau cinéma allemand engagé et indépendant. Même non crédité, André Wilms y côtoyait ses contemporains semblables, Hans Peter Cloos, Alexander Kluge, Rainer Werner Fassbinder, Edgar Reitz, Volker Schlöndorff...


 

Au cours de sa vie, André Wilms aura joué dans près d’une centaine de films et téléfilms, toujours des seconds rôles, tout en continuant au théâtre. C’est avec Étienne Chatiliez, qu’il se rapprocha de ce grand public, qu’il ne convoitait pas spécialement, mais dont l’approbation reste le critère essentiel de la célébrité. Quatre films avec lui, parmi lesquels demeure dans les mémoires La vie est un longue fleuve tranquille (1988), où son personnage, monsieur Le Quesnoy (avec Hélène Vincent comme épouse), fit un tabac, ce qui "l’autorisa" à être autant en confiance sur un plateau de cinéma que sur les planches.


 


 

Il travailla avec Laurent Heynemann, François Dupeyron, Patrice Leconte, Claude Chabrol, Agnieszka Holland, François Ozon... Ou avec de nombreux autres cinéastes, moins connus.
On a envie de citer un film peu vu en France, mais qui a beaucoup marqué le cinéma suisse : Un juif pour l’exemple de Jacob Berger (2016) où il jouait avec Bruno Ganz, qui nous avait très fort impressionnés.


 

Donc pour le comédien de théâtre hyper connu dans son milieu, des seconds rôles au cinéma. Excepté avec Aki Kaurismäki (né en 1957) qui ne l’avait jamais vu jouer, et dont il ne connaisait pas les films.

https://www.youtube.com/watch?v=npwQ5-AM0p0
 

Le Finlandais cherchait un acteur pour un film, La Vie de Bohême (1990), qu’il voulait réaliser d’après Scènes de la vie de bohème du Français Henry Murger (1822-1861), adaptées pour le théâtre. Même si l’œuvre a été adaptée par Giacomo Puccini en 1896 pour un opéra plus célèbre que l’original, il lui fallait des acteurs français.
Avec André Wilms, comme celui-ci le raconte, ce fut une sorte de coup de foudre. Il le comparait à Klaus Michael Grüber : "Ce sont tous deux plus que des metteurs en scène, ce sont des poètes, l’un pour le théâtre, l’autre pour le cinéma".


 


 


 

Par la suite, il ne tourna avec Aki Kaurismäki que trois autres films :

* Les Leningrad Cowboys rencontrent Moïse (Leningrad Cowboys Meet Moses, 1994), la suite de Leningrad Cowboys Go America (1989).


 

* Juha (1999), une merveille de petit film en noir et blanc, muet avec cartons, présenté à la Berlinale 1999, qui est sorti en salle en France le 14 avril 1999, et n’y est pas resté longtemps.


 

* Le Havre, sélectionné en compétition au Festival de Cannes 2011 et dans de nombreux autres festivals, est plus connu, distribué partout dans le monde, mais, en France, le film n’est jamais ressorti après décembre 2011.


 

Trois films pour cinéphiles.
Que les deux artistes soient associés, c’est naturel, ils se sont aimés, ils se ressemblaient. Mais pourquoi, et pour qui, établir une hiérarchie ?

Par ailleurs, André Wilms en eut parfois marre de dépendre du regard d’un autre, alors il a mis en scène lui-même les textes qu’il aimait, principalement en Allemagne entre 1988 et 2010.

Sur France Culture.



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