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Princesse errante (la) (1960)
de Kinuyo Tanaka
publié le samedi 19 février 2022

par Andrea Grunert
Jeune Cinéma n°408-409, été 2021

Sortie le mercredi 16 février 2022


 


La Princesse errante traite d’amour mais dans le cadre de conflits politiques. Fondé sur une histoire vraie - la vie de l’aristocrate japonaise Hiro Saga (1914-1987), devenue Ryuko dans le récit -, le film traite d’un sujet jusque-là peu abordé par le cinéma japonais : l’occupation des territoires chinois et la seconde guerre sino-japonaise (1937-1945). Il le fait discrètement, mettant au premier plan cette Japonaise qui, pour des raisons politiques, est mariée au frère cadet de Puyi, dernier empereur chinois et, depuis 1932, empereur du Mandchoukouo, l’État fantoche que les Japonais avaient créé en 1932 en Mandchourie. Le mariage arrangé s’avère une relation heureuse, mais la guerre met bientôt fin au bonheur conjugal. Fuyant l’armée soviétique et différentes forces chinoises - nationalistes et communistes -, Ryuko (Machiko Kyo) doit lutter pour sa survie et celle d’Esei, sa petite fille.


 


 


 

Dans les premières séquences, l’actrice, qui avait trente-six ans au moment du tournage, joue de manière convaincante une étudiante de vingt-deux, ses mouvements vifs exprimant parfaitement la vitalité de la jeunesse. La scène de son mariage montre l’héroïne derrière une porte coulissante : une silhouette noire, sans traits distincts, qui avance derrière le papier huilé filtrant la lumière, un simple jouet entre les mains des puissants. Abandonnant son rêve de devenir peintre, elle garde sa fierté. Fierté qui est aussi l’enjeu d’une des scènes qui révèlent le sentiment de supériorité et l’arrogance des occupants japonais à l’égard des Chinois. Au moment de la visite d’un frère de l’empereur Hirohito, Ryuko attend l’illustre visiteur avec le groupe de femmes japonaises. Un des officiers la réprimande, lui disant que sa place serait parmi les Chinois, donc à l’arrière-plan. En revanche, l’image de l’empereur Hirohito n’est pas assombrie, car, son frère, s’adressant poliment à Ryuko pour lui transmettre les amitiés de sa mère, contredit l’attitude des militaires.


 


 

La séquence montre l’individualisme et le courage de l’héroïne qui ne change pas de place et qui, portant une robe chinoise noire, se distingue des femmes japonaises ayant mis des blouses blanches au-dessus de leurs kimonos. Ryuko est une épouse fidèle, remplissant à cet égard un idéal de femme, au Japon comme ailleurs, qui met la famille à l’écart des intrigues politiques : elle refuse de quitter son mari quand la situation devient de plus en plus précaire pour les Japonais. Après son retour au pays, après la guerre, elle écrit à son mari, prisonnier des communistes, qu’elle s’engagera à créer des liens amicaux entre la Chine et le Japon.


 


 

C’est en 1957, avec des plans du mont Amagi, que le film commence, cadrant ensuite les pieds d’une jeune femme morte allongée sur l’herbe et Ryuko se penchant sur le corps inanimé. À la fin, Kinuyo Tanaka revient sur ses images, révélant que la morte est Eisei, qui s’est suicidée. Dans une lettre à son mari, Ryuko, sans donner d’explication sur les raisons de cette mort, avoue avoir commis une grave erreur. Dans sa réponse, le prince lui accorde l’absolution. Le film supprime les véritables faits, le double suicide, voire le meurtre d’Eisei et de son amant, un roturier. Kinuyo Tanaka opte pour une fin qui promet l’espoir. Les paroles consolatrices en off, "le printemps succèdera à l’hiver", sont accompagnées des images d’un abricotier en fleur, arbre-symbole des visions du prince et de Ryuko sur le développement de leur pays.

par Andrea Grunert
Jeune Cinéma n°408-409, été 2021

* L’actrice Kinuyo Tanaka (1909-1977) a joué dans 116 films. Elle a également réalisé elle-même 6 films, entre 1953 et 1962.
Cf. aussi "Kinuyo Tanaka réalisatrice", Jeune Cinéma n°408-409, été 2021


La Princesse errante (Ruten no ôhi). Réal : Kinuyo Tanaka ; sc : Natto Wada d’après le roman de Hiroko Aiishinkakura ; ph : Kimio Watanabe ; mu : Chûji Kinoshita. Int : Machiko Kyô, Eiji Funakoshi, Atsuko Kindaichi, Chieko Higashiyama, Sadako Sawamura, Kuniko Miyake, Yuko Yashio, Mitsuko Mito, Chishû Ryû, Tatsuya Ishiguro (Japon, 1960, 102 mn).



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