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Mademoiselle Ogin (1962)
de Kinuyo Tanaka
publié le samedi 19 février 2022

par Andrea Grunert
Jeune Cinéma n°408-409, été 2021

Sortie le mercredi 16 février 2022


 


Dans Mademoiselle Ogin, son dernier film, et le second tourné en couleur, après La Princesse errante, Kinuyo Tanaka présente la lutte de son héroïne pour une vie libre et pour son amour, dans des plans savamment composés, en utilisant une gamme de couleurs dominée par des tonalités vertes et brunes. Le rouge éclatant d’un parasol se démarque dans le plan d’ensemble d’un jardin filmé à vol d’oiseau, tout comme l’harmonie créée par la symétrie de l’architecture japonaise est brisée par des scènes de violence, tandis que les gestes et mouvements lents, hiératiques viennent en contraste avec les gros plans des visages révélant souffrance et passion.


 


 

L’histoire est située à la fin du 16e siècle. L’héroïne est une femme forte et déterminée. C’est un personnage fictif, présentée comme la fille adoptive du célèbre maître de thé Sen no Rikyu. Le film est fondé sur le roman éponyme de Tôkô Kon (paru en 1956), de nouveau porté à l’écran par Kei Kumai en 1978. (1) Contrairement à lui, qui accorde beaucoup d’importance à Rikyu, Kinuyo Tanaka met Ogin au centre du film. Pourtant, elle ne néglige pas le contexte historique, commençant avec des plans d’une bataille féroce, qui situe son héroïne dans un monde dominé par les hommes.


 

Ineko Arima interprète à merveille les tourments d’une femme passionnément amoureuse du samouraï Ukon Takayama (Tatsuya Nakadai), mais qui accepte un mariage arrangé pour protéger sa famille de la vengeance d’un puissant seigneur.


 


 

Elle tient tête à son époux et le quitte quand il la bat violemment. De même, elle contredit le chrétien Ukon qui lui tient un discours sur la chasteté et souhaite qu’elle devienne nonne, en cachant à peine son propre désir sexuel et sa jalousie. Et, plus courageuse que son père, elle résiste aux avances d’Hideyoshi, l’omnipotent leader du Japon. Dans une séquence, elle observe une jeune femme (Keiko Kishi) conduite à l’exécution pour avoir refusé d’être la concubine de Hideyoshi. Ogin, inspirée par le courage de cette femme, échappe à la condamnation à mort en commettant un seppuku (suicide rituel), la mort étant sa seule échappatoire et l’ultime geste de rébellion d’une femme dont la vie est dictée par les hommes.

Andrea Grunert
Jeune Cinéma n°408-409, été 2021

* L’actrice Kinuyo Tanaka (1909-1977) a joué dans 116 films. Elle a également réalisé elle-même 6 films, entre 1953 et 1962.
Cf. aussi "Kinuyo Tanaka réalisatrice", Jeune Cinéma n°408-409, été 2021

1. Tōkō Kon (1898-1977) était un politicien qui se fit moine bouddhiste en 1930 et devint alors écrivain (une trentaine de romans). Au tournant de sa soixantaine, il écrivit son roman Ogin Sama, qui retrace l’épisode.
L’adaptation de Kinuyo Tanaka en 1962, a été suivie par celle de Kei Kumai (1929-2007) en 1978.


Mademoiselle Ogin (Ogin Sama). Réal : Kinuyo Tanaka ; sc : Masashige Narusawa d’après le roman de Tôkô Kon ; ph : Yoshio Miyajima ; mont : Hisashi Sagara ; mu : Hikaru Hayashi. Int : Ineko Arima, Tatsuya Nakadai, Ganjirô Nakamura, Mieko Takamine, Osamu Takizawa, Kôji Nanbara, Hisaya Itô, Minoru Chiaki (Japon, 1962, 102 mn).



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