home > Livres & périodiques > Livres > Loach, Ken & Louis, Édouard (livre)
Loach, Ken & Louis, Édouard (livre)
Dialogue sur l’art et la politique (2021)
publié le lundi 21 février 2022

par Bernard Nave
Jeune Cinéma n° 408-409, été 2021

Ken Loach / Édouard Louis, Dialogue sur l’art et la politique, PUF, 2021.


 


On est forcément attiré par un tel titre et la lecture de la page 4 de couverture attise la curiosité. Mais n’est-ce pas sa fonction essentielle ? Petit format, petit prix (encore que le ratio nombre de pages, nombre d’euros en fait un objet finalement onéreux), on se laisse tenter. Sans avoir jamais rien lu de Édouard Louis, on peut connaître son nom dans le paysage médiatique et littéraire. Rien n’est dit sur les conditions et les circonstances dans lesquelles ce dialogue s’est tenu. À la lecture, ce genre de questions ne manque pas de s’insinuer dans la tête du lecteur et finit par faire douter de la sincérité de l’entreprise.
En tout cas, l’écrivain se réserve la part la plus importante de ce dialogue, tant sur le plan de l’espace de parole que des problématiques qu’il aborde, à commencer par les détails de son histoire personnelle, et ce dès la première page. Connaissant Ken Loach, on se doute que ce n‘est pas un terrain sur lequel il aime s’épancher. Dans ce face-à-face, l’un (l’écrivain) manie la langue (la sienne) avec la délectation de s’écouter parler. L’autre, le cinéaste (qui maîtrise fort bien le français maintenant) n’a jamais manifesté une grande appétence pour le discours décoratif. Pas plus d’ailleurs que pour les théorisations.

Ce dialogue privilégie la politique, sans finalement aller très loin dans la réflexion. Il s’agit plus de relever quelques tendances communes à la France et la Grande-Bretagne, face à l’évolution du monde capitaliste. Les deux interlocuteurs passent une bonne partie de leur dialogue à relever leurs accords et parfois même à s’en féliciter. D’où l’impression de faire du surplace, de rester sur sa faim. Heureusement, le livre est court. Il suffit de retourner à l’œuvre documentaire de Ken Loach pour accéder à une tout autre exigence historique et intellectuelle. Et sans remonter à ses débuts, revoir son documentaire The Spirit of ‘45 (2013) en apprend infiniment plus sur sa vision du monde.

Tout au long du livre, on cherche vainement ce qui concerne l’art. Il faudrait essayer de relever la faible occurrence du mot lui-même pour mesurer combien le livre évacue ce qui pourtant explique la raison pour laquelle on a pu se laisser tenter de l’acheter. Le seul film mentionné est Kes (1969) au détour d’une phrase. Aucun titre de livre. Si l’on ne cherche pas à lui poser des questions précises, à véritablement entrer en dialogue avec lui, Ken Loach ne va pas spontanément sur ce terrain des rapports de l’art et de la politique. Il préfèrera toujours détailler son mode de travail, l’importance du sujet et du scénario. Comme s’il se méfiait des généralités, des théories, rejoignant finalement la pudeur des véritables artistes.
On ne saurait trop recommander de voir le documentaire Il était une fois ’Moi, Daniel Blake" de Rémi Lainé (2021).

Bernard Nave
Jeune Cinéma n° 408-409, été 2021


Ken Loach / Édouard Louis, Dialogue sur l’art et la politique, coll. Des Mots, Paris, Presses universitaires de France, 2021, 67 p. 8 €



Revue Jeune Cinéma - Mentions Légales et Contacts