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Colpi, Henri & et Hureau, Nathalie (livre)
Lettres à un jeune monteur (2003)
publié le lundi 25 février 2019

par Robert Grélier
Jeune Cinéma n° 380, mai 2017

Henri Colpi et Nathalie Hureau, Lettres à un jeune monteur, éd. Séguier, 2003, 208 p., 18 €


 


On avait lu cet ouvrage en 1996, lors de sa première édition. Le Salon du Livre de Paris donne, cette année, l’occasion de le relire dans une nouvelle édition.
On n’ignore pas les talents de monteur de Henri Colpi devenu réalisateur, mais l’on méconnaît son travail pédagogique. Pourtant, toute sa vie, en tant qu’homme de cinéma, il œuvra à la formation de plusieurs centaines de jeunes, soit en les accompagnant dans leurs stages, soit à l’INSAS où il enseigna de 1964 à 1994. Lettres à un jeune monteur prouve, si besoin était, la qualité d’analyse et de réflexion du monteur de Hiroshima mon amour de Alain Resnais (1959).

Son premier travail consiste à faire œuvre d’historien tout en soulignant l’importance du montage. Pour étayer sa démonstration il a recours à un grand nombre de citations, de Orson Welles - "C’est dans la salle de montage que s’élabore toute l’éloquence du cinéma" - à Federico Fellini, qui considère que le local de montage est comme "la respiration, la chambre de réanimation du film". Si S.M. Eisenstein est longuement cité, pas seulement à cause de la fameuse séquence des escaliers du Cuirassé Potemkine, (1925), Andreï Tarkovski l’est tout autant, avec cet exemple : "Ressentir le rythme d’un plan, c’est avoir le sentiment du mot juste dans un texte".

Pour les plus grands réalisateurs, le montage n’est pas uniquement une question d’images, mais également d’ouïe. Même dans le cas d’un film muet, le montage s’apparente à la musique. C’est du moins ce que défend Henri Colpi, qui signa un ouvrage de référence, Défense et illustration de la musique dans le film, que publia notre ami Bernard Chardère. (1) Emprunté à la musique, le rythme est la pierre angulaire du montage cinématographique et pour lui, il est l’essence même du film, muet ou parlant.

Au fil des pages, Henri Colpi nous indique les pièges de la manipulation, et n’hésite pas à affirmer qu’on peut faire dire à l’image tout et son contraire, car la signification ne découle pas de la réalité filmée, mais de l’interprétation produite par le montage. Voir à ce sujet le fameux test de l’effet Koulechov, et, plus près de nous, les trois scènes identiques, mais avec un commentaire différent à chaque fois, de Lettre de Sibérie de Chris Marker (1957). Le mensonge érigé en dogme grâce au montage.

Henri Colpi, qui a vécu tous les perfectionnements techniques, à l’exception du numérique donne sa définition de l’insolite langage de la Nouvelle Vague : suppression des fondus enchaînés, retrouvaille de l’ellipse, changement de fonction des raccords. C’est à cette époque que Jean-Luc Godard affirme que "le montage est le fin mot de la mise en scène".
Monteur de près de cinquante films, courts et longs métrages confondus, parmi les plus innovants du cinéma mondial, Henri Colpi a été la référence pendant plus d’un demi-siècle. Article après article, livre après livre, parolier de chansons, réalisateur pour le grand écran et la télévision et même comédien, aucun domaine ne lui échappa. Il aimait rendre service et n’hésitait jamais à donner un coup de main à un néophyte. Sa gentillesse était légendaire.

Robert Grélier
Jeune Cinéma n° 380, mai 2017

1. Henri Colpi,, Défense et illustration de la musique dans le film, Lyon, Société d’édition de recherches et de documentation cinématographiques-Serdoc, 1963, 455 p.


Henri Colpi et Nathalie Hureau, Lettres à un jeune monteur, Éditions Les Belles lettres-Archimbaud, 1996. Réédition, Paris, éd. Séguier, 2003, 208 p., 18 €



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