Annecy italien 2007 I
publié le mercredi 7 janvier 2015

Annecy italien 2007, 25 septembre-2 octobre 2007, 25e édition

par Marceau Aidan
Jeune Cinéma n°315-316 printemps 2008

Le Festival Annecy Cinéma Italien est, depuis 1983, une fête où l’on célèbre dans une ambiance chaleureuse le cinéma et un moment privilégié d’échanges forts entre réalisateurs, acteurs et le public annécéien.
Cette 25e édition a été endeuillée par la perte de Pierre Todeschini, délégué général, maître d’œuvre de ces Rencontres avec Jean A. Gili, délégué artistique qui poursuivra ce travail de fond d’un quart de siècle, accueilli par l’équipe de Bonlieu Scène nationale Annecy et par son directeur Salvator Garcia.

Deux documentaires

Un jour à Marseille de Mauro Santini
Depuis 2005, Mauro Santini a plusieurs films à son actif, souvent proches du journal intime, du voyage "sans scénario, liés à la mémoire, à la recherche de soi-même". Véritable artisan, il intervient dans tous les domaines de la réalisation : scénario, photo, montage, production. Dans Un jour à Marseille, nous retrouvons ces caractéristiques.
Une voiture roule dans un des tunnels de Marseille, à 0h30 le 23 avril 2006, vers le boulevard d’Athènes. Le cinéaste s’installe ici pour vingt-quatre heures et nous fait partager, sa caméra toujours à portée de main, ses découvertes visuelles à travers quelques lieux de Marseille, entre la Joliette et la Corniche. Sans une parole, mais avec les rumeurs de la vie, nous entamons une promenade pour rencontrer les enfants dans leurs jeux, les flâneurs du bord de mer, les gens dans leur naturel quotidien. Avec discrétion, sans voyeurisme, Mauro Santini nous convie à le suivre dans ses impressions marseillaises.

Avec Pasolini, prossimo nostro , Giuseppe Bertolucci nous invite à voir et revoir Pasolini nous parler, sur le plateau de Salo ou les 120 journées de Sodome, en juin 1975, lorsqu’il accorde un entretien - près de cinquante heures - faisant figure de testament à quelques mois de sa mort tragique.
Nous entrons dans l’univers si particulier de Salo au moment du tournage des scènes les plus délicates. Giuseppe Bertolucci a judicieusement alterné entretiens filmés, séries de photos, plans soulignant le travail effectif de Pasolini dénonçant "la normalisation généralisée des sentiments, la dictature de la société de consommation, la fausse tolérance, l’anarchie du pouvoir".

Les fictions

Dans le domaine de la fiction, plusieurs longs métrages développent un thème récurrent dans le cinéma italien depuis quelques années, celui de l’arrivée massive d’immigrés venant d’Albanie, d’Ukraine ou d’Afrique, via l’île de Lampedusa.
Mais au lieu de montrer comme auparavant de manière frontale le problème de ces vagues successives d’immigrés, les réalisateurs ont choisi de l’appréhender sous l’angle de la difficulté d’intégration.

Riparo - Anis tra di noi (2006), premier long métrage de Marco Simon Puccioni, relate la rencontre imprévue de deux jeunes femmes, Anna (Maria de Medeiros) et Mara (Antonia Liskova), vivant en couple, et d’Anis, un adolescent marocain qui a réussi à se loger dans le coffre de leur voiture au retour d’Afrique du Nord.
Anis est dans un premier temps accepté, mais au fil des jours, il s’installe dans le quotidien confortable d’Anna, cadre dans une entreprise et de Mara, ouvrière en usine. Malgré la bonne volonté d’Anna, la méfiance à l’égard d’Anis règne. Les protagonistes montrent leurs contradictions dans le rapport à l’autre : ceux qui accueillent et l’immigré accueilli tentant de trouver sa place dans une monde nouveau.

Nous retrouvons ce climat de méfiance dans Io, l’altro de Mohsen Melliti, écrivain réalisateur né en Tunisie, exilé en Italie.
Giuseppe et Youssef sont des pêcheurs travaillant ensemble depuis dix ans sur leur bateau. Pour des hommes venus d’horizons différents, leurs rapports d’amitié sont exemplaires. Mais la grande Histoire s’en mêle. Après le 11 septembre 2001, la peur de l’autre s’est installée. Giuseppe n’échappe pas à cette logique infernale et soupçonne Youssef le Tunisien d’être le terroriste recherché qu’annonce la radio du bord. Mohsen Melliti déplore la détérioration des rapports entre ces deux hommes et les conséquences absurdes des agissements de quelques-uns, gâchant la possibilité de vivre ensemble.

Giuseppe Tornatore n’avait rien tourné depuis Malena en 2001, film assez mièvre, peu servi par Monica Belluci.
Il revient avec La sconosciuta, film autrement plus intéressant, surtout par l’interprétation de la jeune actrice Xenia Rappoport. Irena, jeune femme solitaire venue d’Ukraine, isolée dans une ville italienne, est femme de ménage dans un palais. Le poids de sa vie intérieure difficile affleure à tout moment. Son objectif est d’intégrer une famille aisée d’orfèvres habitant les lieux. Elle y parviendra patiemment, devenant à la fois témoin et protagoniste du théâtre familial. Tornatore retrouve l’art de raconter, de mettre en place des personnages pris entre un passé aux larges pans obscurs et la réalité.

Un acteur

Enfin relevons la prestation d’un autre acteur que nous apprécions, Valerio Mastandrea, dans deux films :

Notturno bus de Davide Marengo. Franz, pour sortir de sa mauvaise condition de chauffeur de bus, joue au poker en attendant la fortune. L’irruption dans sa vie de Leila (Giovanna Mezzagiorno) l’entraînera dans les aventures dignes d’un film d’action, dans lequel il joue en même temps la comédie avec l’air de ne pas y toucher.

Non pensarci de Gianni Zanasi. Mastandrea y assume avec brio le rôle du fils prodigue. Après avoir été une star locale de rock, il fait le bilan de sa vie à trente-six ans, et décide de rentrer à la maison en affrontant les foudres d’un père, mais bien content de retrouver de solides repères. Cette plaisante comédie, alerte, sort renforcée par la maîtrise de Gianni Zanasi et du jeu virevoltant de Valerio Mastandrea.

Marceau Aidan
Jeune Cinéma n°315-316 printemps 2008

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