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Meilleures (les) (2020)
de Marion Desseigne-Ravel
publié le mercredi 9 mars 2022

par Jean-Max Méjean
Jeune Cinéma n° 413-414, février 2022

Sortie le mercredi 9 mars 2022


 


Pour son premier long métrage, Marion Desseigne-Ravel, diplômée de la Femis et militante de la cause gay, nous propose un film en liaison avec ses courts métrages, Les Murs (2010), Les Ormes (2017) et Fatiya (2019). Avec Les Meilleures, elle pose le cadre, dans un quartier populaire, d’un lieu où les jeunes s’ennuient et se querellent souvent, et qui pourrait devenir le centre d’un drame.


 

On frôle celui-ci, mais l’option choisie à la toute fin est de laisser les personnages continuer leur vie entre des immeubles sinistres, le jardin public malingre, le centre culturel et le banc rose Barbie réservé aux filles du quartier. Pas commodes, ces filles, qui se battent pour s’y asseoir, cancanent, tissent les réputations, en laissant les garçons jouer au foot et les regarder comme les gros benêts qu’ils sont. Le titre est emprunté au langage de rue et ce sont les filles qui se qualifient ainsi elles-mêmes.


 

Parmi toutes ces meilleures, la meilleure des meilleures est Lina El Arabi, qui incarne la jolie Nedjma, un peu garçonne, grande gueule et qu’on devine pleine de sensibilité. Nedjma est dans tous les plans, donne de son corps, joue les dures et, un jour, tombe amoureuse. Cela arrive mais ce n’est jamais facile dans ces lieux où tout le monde épie tout le monde, mais quand il s’agit d’une fille, tout se complique.


 

Cupidon lui lance sa flèche le jour où elle entend Zina - la très belle Esther Bernet-Rollande, dont c’est première apparition à l’écran - chanter dans un blind-test. Nedjma lui déclare son amour et la retrouve tous les soirs sur le toit de l’immeuble, transformé en palais des Mille et une nuits par quelques soieries et quelques bougies. Cette cachette à ciel ouvert procure des moments de respiration à ce film qui bat à cent à l’heure, et qui nous montre une Nedjma (1) prisonnière de sa passion et de son milieu.


 


 

Il ressort de ce film une grande énergie, sans doute celle du désespoir devant les efforts à accomplir encore avant que les homosexuels ne soient plus perçus comme des parias ou des dégénérés dans certains milieux.
C’est d’ailleurs ce que va vivre Nedjma, rejetée par sa petite sœur, par ses copines et aussi, indirectement, par sa mère qui l’encourage à trouver un beau fiancé. Nedjma tentera l’aventure avec Sidiki qu’elle connaît depuis la maternelle, mais sans grand succès.


 

Dans ce monde de jeunes où les filles peuvent se montrer aussi brutales et violentes, sinon plus, que les mecs, et où ils citent à tout bout de champ le Coran en se dénonçant mutuellement, il n’est pas facile d’être gay. Jamais ce mot n’a paru aussi inapproprié vu le côté tragique de la situation qui peut conduire certains à la mort.

Jean-Max Méjean
Jeune Cinéma n° 413-414, février 2022

1. Nedjma signifie "étoile" en arabe, et Zina veut dire "belle".


Les Meilleures. Réal, sc : Marion Desseigne-Ravel ; ph : Lucile Mercier ; mont : Elif Uluengin. Int : Lina El Arabi, Esther Bernet-Rollande, Mahia Zrouki, Tasnim Jamlaoui (France, 2020, 80 mn).



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