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JC n°415 - mai 2022

publié le mercredi 25 mai 2022

Couverture : Otto Dix, Portrait de la journaliste Sylvie von Harden (1926)
(collection Georges-Pompidou), cité dans Cabaret (Bob Fosse, 1972)
La "Neue Sachlichkeit" des années 20, Beaubourg (11 mai-5 septembre 2022)

Quatrième de couverture : Souvenir de Paris / Paris la Belle (Pierre Prévert, 1928-1959)

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ÉDITO JC n°415, mai 2022

 

François Aymé, président de l’Association française des cinémas d’art et d’essai, rend compte, dans son bulletin Art & Essai (n° 83), de la rencontre, organisée le 10 mars 2022 par la Fédération nationale des Cinémas français et Passeurs d’images, avec les représentants des candidats à l’élection présidentielle, afin qu’ils s’expriment sur le sujet : "l’éducation au cinéma et aux images, un enjeu citoyen pour demain".
Cinq intervenants, sur douze candidats, c’est peu (et, étrangement, personne pour le PCF). Mais il faut convenir que le dispositif "Écoles, Collèges et Lycéens au cinéma", conçu pour éveiller et développer les relations des douze millions d’élèves hexagonaux avec un autre écran que celui de leurs portables, n’est pas de nature à passionner les foules - d’ailleurs quel rôle a tenu la Culture dans les programmes électoraux de 2022 ?
Il s’agit pourtant d’une question fondamentale : c’est de cette formation aux images que dépend l’avenir du cinéma qui nous occupe, celui qui échappe à la consommation immédiate. Comme c’est (en partie) grâce aux ciné-clubs des collèges et lycées des années 50 et 60 que toute une génération de cinéphiles a pu prospérer durant les décennies suivantes.
L’accès au cinéma, sous la forme de spectacle collectif, n’est désormais qu’un moyen parmi d’autres, et pas le plus pratiqué. Le fameux "Pass Culture", offert aux moins de 18 ans par un ministère munificent, n’a été utilisé pour entrer dans une salle que par un jeune sur quatre. Et l’on peut parier que c’était plutôt pour voir Spider Man que Les Olympiades - qui le leur reprocherait ?
Le bilan qui figure dans le récent Annuel du cinéma 2022, est, préoccupant, en ce qu’il enregistre une faille, un gouffre même, entre les différents publics. Le nombre d’entrées, s’il n’est pas redevenu ce qu’il était avant les confinements, a repris quelques couleurs - pouvait-il tomber plus bas ? Le problème, c’est que les spectateurs de retour se sont dirigés vers les mêmes titres, films de super héros ou comiques rassembleurs, type Les Tuche. Le reste, cinéma d’auteur labellisé ou à découvrir, s’est effondré.
Ainsi, si l’on additionne les résultats en 2021 des films des réalisateurs "cannois" - pas forcément sélectionnés cette année-là, mais qui font partie des familiers du festival -, à savoir, dans l’ordre alphabétique, Mathieu Amalric, Jacques Audiard, Sharunas Bartas, Leos Carax, Arnaud Desplechin, Julia Ducournau, Bruno Dumont, Louis Garrel, Christophe Honoré, Arthur Harari, Benoît Jacquot, Naomi Kawase, Céline Sciamma, Apichatpong Weerasethakul, on obtient un total de 1 300 000 spectateurs pour les quatorze films. Rappelons que Hiroshima mon amour, qui n’était pas vraiment Les Bodin’s en Thaïlande, avait en son temps récolté 900 000 spectateurs (à Paris).

Que s’est-il passé ?
Comment expliquer cette désaffection de la part d’un public que l’on pensait averti ?
À force de fonctionner en circuit clos, le cinéma français d’auteur a-t-il fini par décourager ses fidèles ? Il y eut un temps où les amateurs allaient à la fois voir les films de Claude Pinoteau et ceux de Luc Moullet - aujourd’hui, plus question de fréquenter en même temps Nicolas Bedos et Guillaume Brac. Il est trop tôt pour savoir si le changement est conjoncturel ou définitif, mais on craint le pire. Il sort cette semaine à Paris trente nouveaux titres, dont une moitié de films non destinés au grand public. Qui ira les voir - sachant que sur les 456 films distribués l’an dernier, parmi les 87 qui n’ont pas atteint les 2000 entrées, on en trouve 13 à moins de 100 ? (Une satisfaction tout de même : le dernier film de B.-H. Lévy, Une autre idée du monde, a accueilli 152 spectateurs, ce qui nous autorise à croire encore en l’Homme).

La 75e édition du Festival de Cannes ouvre dans quelques jours.
On lira plus loin quelques notes d’avant-programme sur les titres français présentés par les diverses sections. Mais c’est surtout du côté des étrangers que l’on attend des révélations, des surprises et des confirmations - outre les locomotives les frères Dardenne, James Gray, David Cronenberg, Hirokazu Kore-Eda, Kelly Reichardt, on en passe, notons déjà, parmi les noms inhabituels à ce niveau, Lukas Dhont (Close), Ali Abassi (Holy Spider) et Félix Van Groeningen & Charlotte Vandermeersch (Le otto montagne), tous auteurs de films remarquables. Le reste dans notre prochain numéro.

Les feux du festival de Cannes à peine éteints, c’est la grotte aux trésors bolognaise qui s’ouvrira avec l’été. Au menu de Il Cinema Ritrovato, sans masques (et espérons-le, sans labyrinthe informatique pour y accéder), à partir du 25 juin 2022, Peter Lorre, Hugo Fregonese, Kenji Misumi, Sophia Loren, les comédies musicales allemandes des années 30, le cher Victorin-Hippolyte Jasset - cf. Jeune Cinéma n° 333-334, automne 2010) - les années 02 et les années 22, de quoi satisfaire tous les gloutons optiques. Et les insatiables enchaîneront avec la FEMA à La Rochelle (50e édition), même si les hommages à Alain Delon et à P.P. Pasolini sont moins riches en nouveautés.

Les coutures trop étroites de ce numéro simple (114 pages tout de même) n’ont pas permis d’y faire figurer plusieurs articles au long souffle, qui paraîtront dans le prochain. Ainsi que tous les comptes rendus en suspens d’ouvrages et de DVD - les lecteurs n’ont pas besoin d’attendre leur recension pour se procurer des livres aussi importants ou plaisants que Correspondance avec des écrivains de François Truffaut, Trente ans avec Alain Resnais de François Thomas, Delair-Clouzot de Noël Herpe ou Camp !, volume 2 de Pascal Françaix.
De même pour le coffret Résistances, édité par Doriane Films, et qui présente dix films de Jorge Amat sur les combats d’insoumis entre 1936 et 1945, des guérilleros espagnols du val d’Aran aux déportés vers Dachau : on ne croise, au long des 1062 minutes de ces documentaires que des gens de bonne compagnie, Armand Gatti, Stéphane Hessel, Madeleine Riffaud, Raymond Aubrac et autres, c’est dire l’intérêt de ce pavé nécessaire.

Lucien Logette



 

SOMMAIRE JC n°415, mai 2022

 

Cinéma français
 

* Vie quotidienne et politique, par René Prédal.

* Les films français à Cannes 2022, par Lucien Logette.

Du monde entier
 

* Béla Tarr ou le temps arrêté, par Gisèle Breteau Skira.

Festivals
 

* Viva il cinema !, Tours 2022, par Alain Souché.

* Cinélatino, Toulouse 2022, par Jean-Max Méjean.

Patrimoine
 

* Il était une fois… les Symphonies urbaines III. Les portraits de villes en France, par Daniel Sauvaget.

DVD
 

* Glanures DVD. De Henri Desfontaines à Gus Van Sant, par Philippe Roger.

* Chronique du printemps 2022. Le cinéma de genre, par Jérôme Fabre.

* Satyajit Ray en six films, par Francis Guermann.

* Faat Kiné de Sembene Ousmane, par René Prédal.

* L’Homme au pousse-pousse de Iroshi Inagaki, par Andrea Grunert.

* Temps sans pitié de Joseph Losey, par Frédéric Gavelle.

Cinéma et Histoire
 

* Cabaret de Bob Fosse, par Jean-Michel Ropars.

Divagations
 

* Les mots de la loi. Le Grand Silence de Sergio Corbucci, par Louis Lopparelli.

Coup de cœur
 

* Les Heures heureuses de Martine Deyres, par Sylvie L. Strobel
* Saint-Alban, un vrai asile, par Sylvie L. Strobel & Sol O’Brien

Actualités
 

* À l’ombre des filles, par Gisèle Breteau Skira.
* Babysitter, par Sylvie L. Strobel.
* Ma famille afghane, par Jean-Max Méjean.
* La Colline où rugissent les lionnes, par Gisèle Breteau Skira.
* La Femme du fossoyeur, par Jean-Max Méjean.
* Algunas bestias, par Gisèle Breteau Skira.
* Miss Marx, par Jean-Max Méjean.
* Le Monde après nous, par Hugo Dervisoglou.
* Sous l’aile des anges, par Hugo Dervisoglou.
* Tranchées, par Hugo Dervisoglou.
* Mizrahim, par Gisèle Breteau Skira.

Livres
 

* Michel Ciment, Passeport pour Hollywood, par Francis Guermann.

Nécrologie
 

* Michel Bouquet (1925-2022), par Patrick Saffar.

Humeurs
 

* Palmarès vague, par Bernard Chardère.



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