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Roi des bricoleurs (le) (1977)
de Jean-Pierre Mocky
publié le vendredi 26 mai 2017

par Andrées Tournès
Jeune Cinéma n°102, avril 1977

Sortie le mercredi 23 février 1977


 


La première impression est déroutante et pénible. On se croit embarqué dans une comédie grinçante : un propriétaire, gros et laid, retape sa maison pour la refiler à un député ; son entrepreneur, un maire mélomane, la lui démolit pour l’acquérir lui-même. On a affaire à un Jean-Pierre Mocky de la série "vache" où les coups pleuvent à tort et à travers et où la dérision démolit à la fois les deux adversaires et les témoins du match, tous sous-développés et crétins. Bref, on a bien du mal à s’intéresser à l’enjeu.


 

Mais du coup, libéré de tout intérêt pour l’intrigue, on s’aperçoit en cours de route que le film est truffé de gags un peu dingues, un film décharge publique où, parmi pas mal de gravats encombrants et de saloperies peu ragoûtantes, on peut récupérer des objets bizarres et même utiles. Pas très délicats, les gags liés au ministre. C’est un gâteux furonculé qui patauge dans la boue noire d’un établissement de cure, engueule un ouvrier noir et un ivrogne blanc. Pas très cohérentes, ces apparitions à répétition du tractoriste au bras en écharpe, du contremaître qui réclame sa petite pince avec la conviction du type au béret de Prévert, ou cet orchestre qui surgit aux endroits les plus farfelus. Mais après tout, Alain Resnais lui-même s’est offert un petit footballeur sans rime ni raison.


 

Et on en vient à se dire que cette incohérence a peut-être une signification. Cette Honda bleue, exposée dans le chantier en démolition, sans justification autre que de proposer sa marque, est peut-être là pour dénoncer les pubs abusives. On peut fabuler en se promenant dans cette maison à la Potemkine que des bras d’ouvriers - tous au noir et au chômage - font ressembler, le temps d’une visite de ministre, à une villa normale, avec ses faux W.C. où on pisse sur une tête, ses parois baladeuses, son escalier soutenu par des épaules d’hommes, ce faux terrain où la bonne terre a été échangée contre des gravats.


 

Du coup on comprend mieux le virage final : le second du propriétaire, un petit gars brimé au regard intelligent - le seul de la bande - s’achète avec sa part de l’escroquerie un nouveau terrain où tous les ouvriers, avec l’argent du travail noir, vont construire en communauté leur propre maison. Finalement, un film agressif et sain en ces temps de bataille électorale.

Andrées Tournès
Jeune Cinéma n°102, avril 1977


Le Roi des bricoleurs. Réal : Jean-Pierre Mocky ; dial : JPM., André Ruellan & Michel Saintourens ; ph : Marcel Weiss ; mont : Michel Saintourens & Annabelle Le Dœuff ; mu : Eric Demarsan. Int : Sim, Michel Serrault, Pierre Bolo, Paulette Frantz, Jacques Legras, Michel Francini, Maurice Vallier, Dominique Zardi, Gérard Hoffmann, Jean-Claude Rémoleux, Roger Delcrost, Antoine Mayor, Gillian Gille, Jean Cherlian, Jean Radou, Louis Albanese, Henri Attal (France, 1977, 80 mn).



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